dimanche 12 décembre 2021

je vis par hasard

 

je vis par hasard
recraché d’un lit animal 
au fleuve aveuglant

satellite ma présence au monde
me place en parallèle 
de ce qui arrive 
de la possibilité d’un espoir

caché dans une tranchée
à genoux dans la vase
derrière un masque incertain 
mon esprit est invisible
mais mon corps sent la peur
m’étourdit et je dérive

souillures et défaillances 
mes gencives saignent de terre
je ne vois pas mes mains qui tremblent
glacé j’éclate dans l’ombre
en sanglots de lumière
















vendredi 3 décembre 2021

la flamme d’une chandelle

 


la flamme d’une chandelle une vie insignifiante un temps et vibre l’écho des phrases lancées dans l’indifférence asyntaxique de qui ne sait plus se concentrer des paroles gaspillées un symbole perdu dans une mer de signes mon inspiration saigne du nez le temps devient sec comme l’écorce de décembre les feuilles restantes de rouille fragile tremblent et craquent dans les trop grands vents mon air de glace figée dans chaque respire je m’essouffle à l’écume de mes pas dans le vague des heures où je cultive ma mémoire défriche les souvenirs et tous les oublis fanés toutes mes incessantes marches vers mes idéaux et mes échecs je les ai perdus mes petits dépossédés de poèmes scrapés de regards limités l’illusion d’un horizon d’un autre monde au bout du bras comment font-ils asociaux à Morphée pour ne pas voir plus loin ils sont la froide somme de la solitude confinée pourtant vivants et si proches de la mort en même temps je les aurai aimés quand même et je serai resté fier j’ai gardé phare et panache devant leurs moulins sans vent et poésie où j’ai tâché dans leur plus grande indifférence de semer un peu de désir et de volonté mais leur inattention aura tout dispersé chaque grain désablé de l’univers sablier sans essuyer les souillures de leur ego distrait malgré mon échec ils ne m’auront jamais fait perdre mon panache 

*

ce n’est pas complaisance 
de constater le vernis décoller 
les fondations pleument 
et je m’ébroue dans le silence et la nuit 

je me vide sous la superbe agonie des étoiles 
où je vois poindre dans l’hiver des deuils pluriels

la sève s’assèche 
et s’achève le monde que j’ai connu 
toujours décalé 
mon esprit est un terroir d’idées mortes
je commence à croire 
que je ne sais plus disserter des choses 
que je suis à côté de tout 
sauf de mon amour 


















dimanche 14 novembre 2021

 





j'attends une marée que je n'espère plus
je repousse mes réponses aux questions sans fin
en étirant le moment comme seule précaution

j'espérais des actions honnêtes
mais les humains se méfient
cette crainte de voir l'autre devenir un miroir

j'espérais des coeurs humbles
et non les esclaves d'une liberté
qui n'est brimée que par leur bêtise

j'espérais des âmes vraies
désarmées des mensonges 
que nous nous répétons

comme nerveuses excuses
toutes ces voies qui déroutent
et ces voix qui déraillent

la marée ne vient pas mais 
la lisière du soleil offre des promesses 
crue est la lumière qui taillade l'attente











vendredi 22 octobre 2021

vendredi soir

 


une ride dans la brume
les gratte-ciels au loin démultipliés
comme des phares névrosés
architectes de peurs immobiles
je sors de mon coin du monde
fonce en un crépuscule flou
je pars dans ce qui va arriver

solitude en terrasse
toute la semaine se dépose 
en même temps que moi 
et s'évanouit dans ma première bière
je mets le monde sur pause
j'expulse de moi tous les derniers jours
je me refais en attendant demain

je repars dans une nuit excentrée
lumières criardes et réverbères 
je me faufile dans les failles du vent
erre en vagues et terrains
et retrouve mon coin du monde
dans le silence chaud de son étreinte
et l'automne calme de ses yeux































jeudi 16 septembre 2021

 






dans l'aurore les soupirs d'une nuit froide
s'évadent en buée
le vent court d'une fenêtre à l'autre
un bref moment de pur silence 

j'aurais aimé me réveiller fatigué de rêves
mais la rumeur commence à gronder
pris dans un étau difforme entre
tout ce temps perdu et celui à trouver

mais je n'entends que des cris
et la matière s'échappe de mes sens 
je n'avance ni ne recule
mon regard concentré dans toute sa force 
sur une cible qui s'éloigne
je laisse les énigmes se délier






















mercredi 21 juillet 2021

nature morte (ou pas)




Ciel gris pâle aux mille flous, sans nuées d'oiseaux dessinant leurs traces, mais qui ont plutôt choisi de paresser en plein coeur de l'été. Un ciel peint par un vent constant qui souffle inépuisable de l'ouest sans cesse depuis plusieurs semaines. À croire que le vent n'a qu'un sens et qu'une origine, trop lointaine pour être visible. Le frémissement touffu des arbres - cette chair implacable - fait mouvoir l'immobile. C'est là le premier spectacle qu'offre ma fenêtre (les autres m'indiffèrent pour l'instant). Sur le bord de celle-ci, deux vases en verre remplis d'herbes séchées - thé des bois, lichens, cèdre, sapin baumier et cocottes pris sur un territoire protégé; on a tous nos petits méfaits - ça ne sent plus grand-chose, c'est juste beau maintenant. À droite, deux petits pots de terre cuite protègent des fleurs sur le point d'éclore. Puis de grosses plantes en pots dont j'ignore les noms habillent le coin inutile et oublié du salon - tout espace a un coin oublié -; l'une ressemble à un petit arbuste penché et une autre, à un tronc mince et court d'où jaillissent quatre énormes feuilles aux nervures saillantes, d'où suintent et s'écoulent de grosses gouttes d'eau trouble. Paresseux supplice de la goutte tombant sur mon plancher innocent et stoïque, marquant le temps qui passe d'une imperceptible érosion. Tout ça me paraît sans odeur, mais si je devais m'en départir, je m'en rendrais compte, tout ça m'apparaît essentiel désormais : j'admire la ténacité des plantes. Au coin opposé, peut-être un peu plus utile, une vieille lampe de lecture sur pied s'enracine dans les craques du plancher et sert de mât aux chétives toiles d'araignées trop fragiles pour que je les enlève. Je n'ai pas de problème avec les petites, mais quand une araignée trop grosse à mon goût se pointe le bout des pattes de dessous le divan, je l'envoie jouer dehors. Deux d'entre elles ont essayé de revenir, mais je sais être ferme dans mes résolutions. Pu capable de m'asseoir à mon ordinateur, étant donné les circonstances de la dernière année, c'est dans mon vieux divan rouge, laid et trop rigide, que j'ai installé mes quartiers estivaux. Il y a des coussins déformés, un vieux plateau de bois en manque de vernis et marqué de cernes de tasse à café, plusieurs sous-verres en carton ondulé d'humidité, une couverture au patron mexicain, un carnet, des stylos, trop de livres et trop de cds - mes anachronismes -, bref toute la nourriture nécessaire à mon repos et à mon indolence où mon cerveau alterne entre le feu doux et l'ébullition, quand il n'est pas à off, vautré dans le tissu stérile de l'été. Les mots des autres, les films des autres, la musique des autres. Je ratisse large dans le spectre halluciné des oeuvres dont je me nourris - faire la dissection de mes influences serait plus complexe qu'il n'y paraît - et si je me défais sans effort du moins digeste, je me laisse charmer, en ultime spectateur, quand je tombe sur une puissante épiphanie. Je les cherche de plus en plus et sais mieux les trouver. Les moments qu'elles me font vivre sont chargés de vie et de poésie, mais elles contribuent également à renforcer mon incapacité chronique à me lancer dans un projet d'une quelconque envergure et une crainte ridicule et l'inaction qui en découle réussissent à distiller une culpabilité absurde qui freine mes élans et confirme ma lâcheté. Peut-être qu'un premier signe de courage est de le reconnaître? Mais qu'est-ce que le courage aujourd'hui de toute façon.

J'écoute le chant du monde et l'orchestre est désaccordé. J'isole certaines partitions et parviens à y trouver des impressions qui ne sont que les miennes en fait. Un ciel aux mille visages, le parcours des nuages, le tremblement des ondes dans le vent, les multiples détails d'une rumeur informe, les vibrations de la maison que j'habite, les odeurs mortes d'un souvenir et la sensualité sublime des nervures d'une grosse et grasse feuille de vivace. Ça ne sert à rien, mais pourtant je vois dans toutes ces teintes le métal souple des corps éclatants. Mes impressions sont hétérogènes, mais leur gestation me souffle des secrets qui évoluent dans une patience concrète et précise que je parviendrai à mettre en mots. Je sais que les images sont bien accordées.


































samedi 3 juillet 2021

 




Me réveiller bien au chaud sous ma lourde couette de plumes, dans l'appartement anormalement froid en cet étrange matin de juillet - deux jours après de grandes chaleurs ne m'ayant qu'abrutit -, toutes fenêtres ouvertes et traversées d'un grand vent chargé de nuit fraîche, à côté son corps endormi plus brûlant encore, voilà ce qui me prédispose à une matinée des plus calmes et sereines. Libéré des soucis du travail depuis plusieurs jours déjà, après m'être posé pour ralentir l'élan, je pourrai enfin me reposer et m'offrir le luxe d'une oisiveté espiègle où je ne serai bon qu'à lire.

Au sortir du lit, les yeux encore pétris de sommeil et le corps se déliant de l'immobilité nécessaire au rêve, le froid est si bon que c'en est une bénédiction. Dehors, je n'entends que la rumeur de l'aube qui s'anime : chants d'oiseaux, bruissements des feuilles, désertions humaines sinon l'écho d'une voiture passant très loin et la somnolence d'un ciel paqueté de nuages. C'est à ce moment, avant le premier café, la première page ou la première musique du jour, que je suis le plus calme possible, proche d'une paix complète avec moi-même, déposé, posé et reposé. 

Et c'est à ce moment que je sens soudainement mes failles travailler, tranchées saillantes, ce qui me plonge dans un paradoxe dont je me passerais bien. Habituellement, dans l'état d'alerte et de tension que provoquent tantôt ma vie professionnelle tantôt ma vie sociale, un élan perpétuel me détourne du repos, m'empêche de me poser et de se ressentir, dans la lenteur et la patience, les faiblesses et les blessures de mon être; je les sais présentes et m'en accommode, je travaille dessus. Mais lorsque mon environnement me dispose au calme et à la tranquillité, lorsque les failles s'activent, désirantes d'être ressenties et considérées, et me refusent le repos complet, ce sont alors elles qui travaillent sur moi.

À savoir si je sors grandi de cette impression paradoxale, je ne saurais répondre. Dois-je chercher le repos et accepter l'éventualité d'une introspection tranchante, ou le mouvement perpétuel de l'action permettant de s'éloigner de ce que tous cherchent à fuir? La question a plus d'importance que la réponse et s'y attarder est probablement plus positif que négatif, mais quand doit-on arrêter le questionnement? On cherche à s'en échapper ou l'on accepte que la réponse nous échappe? Essayer d'être calme sur la corde la plus tendue.






































dimanche 2 mai 2021

impression

 






Par un étrange dérèglement dont j'ignore encore la nature exacte, j'ai vu passer cette semaine plus de jours qu'il y en a eu. Je sais que cent nuages ont passé dans le ciel mais je n'en ai vu aucun. Et pourtant un orage n'a cessé de me suivre comme un voyeur feignant sa nonchalance et les vents ont mis trop de temps à le disperser. Dans cette grisaille dormait une colère bousculée, prête à s'éveiller à tout moment pour s'étirer et se délier des contraintes. Un dédain de soi aux multiples voix concertées s'est fait aller le timbre et le cuivre et a pesé lourd en mon être désordonné. Je me suis multiplié en me scindant, j'ai épuisé toutes les parties de l'ensemble et je me suis désassemblé sans pouvoir me ramasser. Ce n'est qu'au sortir de cette dissipation, dans l'exécution d'une tâche unique visant un seul objectif, atteint de surcroît, que j'ai été en mesure de comprendre mes troubles des derniers jours, et maintenant j'essaie d'aiguiser ma lucidité sur la lumière d'un soleil froid. J'ai failli crier, mais savoir que mon cri irait se perdre dans l'indifférence du monde m'a retenu. Albert Camus a dit de l'absurde qu'il naît quand l'appel humain se confronte au silence déraisonnable du monde. Le mot "silence" est mal choisi ici - le silence serait une bénédiction - car c'est à l'indifférence dissonante du monde que se butent nos appels. Nous sommes tous au fond de l'abîme des autres, nous avons tous notre inexistence. Le silence sait autre chose. Il est l'allié, le prochain langage à apprendre, j'en étudie les mystères et lui écris sans cesse, il est peut-être l'ultime destinataire. Je dois seulement ne pas tomber dans le piège où je m'accuse coupable de n'être pas entendu. Le silence est merveilleusement sauvage, à contempler sans chercher à le dompter. Il s'agit d'en construire lentement la mélodie et le sens, d'observer sa danse et d'entendre mieux ce qu'il dit.

































samedi 17 avril 2021

 




être plus sensible à la mécanique des jours, les secondes les minutes les heures ont toutes leurs engrenages précis, des corps automatiques à la sensualité tantôt apaisante, tantôt dévorante


être plus sensible à leurs alliages, tous ces fils entrelacés tirant chacun vers leur origine, des toiles tissées de multitudes sans que le centre s’écartèle, juste un noyau en expansion, être largesse 


être plus sensible à la méthode avant qu'un fil ne parte en vrille et se torde ou se casse et dérape, voir les outils se multiplier et adapter les formes les unes aux autres, orchestrer ses schémas 


être plus sensible à ces chants, quand la souplesse du son s’installe et que s'adoucissent les angles, être à la fois le craquement et l'empreinte muette, tout est polyphonie quand je est un autre























jeudi 15 avril 2021

 










je suis à l'orée de la perte
toute chair vive gercée d'éraflures
trébuchant tous mes désirs brûlés
du sel dans les plaies
que mes pas empêtrés
mes doigts dans la cendre
éparpillée de nuit mes regards 
lourds d'un feu fatigué
égaré sur la surface de l'ombre
où glisse une promesse de lumière
qui arrêterait ma chute

une sueur froide une colère sourde
mon corps n'est plus à moi
je cherche qui je serai
mais ne trouve que le doute
et la peur à l'orée de la perte
désarmuré de moi
je n'ai vanité aucune
dans le fracas muet des glaces
un éclat de tristesse 
je ne sais plus qui je suis 
je ne suis plus qui j'ai été





















































vendredi 26 mars 2021

 



début de la veillée
à la fin de l'éveil
les vivants racontent l'histoire 
de ce qui a existé
la veille recommence
la nuit se réveille
les rêves raconteront l'histoire 
de ce qui aurait pu être

encore elle passe il passe 
tout passe le présent
s'écrie et ses faces
les identités diffusent 
les images se déplacent
contre ceux qui racontent 
sans voix l'ennui
entre songes et soupirs
je raconte le temps et 
j'obtiens du bruit

habité d'exigence
dépossédé du simple
je m'obstine délesté
du facile et trébuche 
mais j'insiste en silence
et m'obtus à chaque foi

car je sais que tout 
passe à travers nous
toutes les histoires du monde
au coin les cauchemars
où déferle l'avalanche 
et le mystère des monstres
dans la chute dense
et les tambours s'ébrouent
l'étang bourre ses broues
ce dé s'agrège 
tout désaccord des
partitions muettent 
les chorales s'étouffent
en mille éclats de mots 
fous la lumière 
en mille éclats de nuit
































samedi 20 février 2021

 




avec toi c'est tout
c'est une étrange époque
déshabillée de flou






























mardi 16 février 2021

 





    j'étire et les dieux
    les ciels voilent les viols en
    l'inceste des astres
































    samedi 23 janvier 2021

     



    cet esprit lancé
    ma douce mathématique
    de croches enlacées