mardi 9 mai 2023




Une nuit sans sommeil. Si seulement je pouvais expliquer cette insomnie passagère par le tourbillon de la pensée, mais non... Mon esprit, abruti de fatigue autant que mon corps, ne parvient même pas à lancer la pensée qui démarrerait le flux de conscience dans l'élan implacable de son déploiement. J'ai enchaîné les morceaux de ma trame sonore nocturne habituelle, mais rien n'y fait, je suis à la fois sourd et alerte, rien ne m'engourdit et les mélopées de minuit m'indiffèrent. Une nuit sans sommeil désertée de toute mythologie, sans pulsions et sans rêves. Les yeux fermés paupières brûlantes, je m'applique à l'écoute attentive de ma respiration, mais je n'entends que le redoutable sommeil de mon amoureuse à côté, son abandon semble profond et total. Ses courbes caressent mon oeil. Son sommeil m'apaise parce que je sens qu'elle se repose et récupère. La nuit fraîche pénètre par la fenêtre ouverte de notre chambre, si bien que nos chaleurs - son corps endormi, mon esprit éveillé - cohabitent et s'activent, elles me réconfortent, mais non... Le sommeil ne veut rien savoir de moi. Illusion du silence au coeur de la nuit. Les bruits nocturnes dehors suivent leur cours et, dans la distance, me caressent malgré tout pour me rappeler que je suis exactement où je dois être, même si ce n'est pas tout qui coopère. Une nuit sans sommeil. J'aimerais en profiter pour rassembler mes idées et créer quelque chose d'original, mais non... Je suis incapable de me fuir. Je me vautre dans d'insignifiants abandons pour m'oublier, juste un peu. C'est un de ces moments où le poids de la pensée, pourtant invisible et immatérielle, est insoutenable. Je ne perçois rien tandis que la paix de l'esprit étouffe et cherche son air. Juste souffler le temps d'un moment de repos. Désorienté et sans repère, je divague dans ce que la vie ne m'a pas offert. Mais que sont ces reliefs à peine ébauchés où rien ne semble exister, comme si l'inconnu et le mystère se matérialisaient, pour mieux me narguer, devant moi? Les distorsions grésillantes de l'ombre pèsent sur mes yeux usés par le temps et je ne vois rien de distinct. Le flou comme fossé entre moi et le monde. J'aimerais tant être nyctalope... Épuisée et ankylosée à ne rien faire, ma conscience décide soudain de s'étirer dans le mutisme souple de la nuit où l'inconfort et la patience s'escriment dans un affrontement sans issue. Toute concentration rassemblée, je m'évade vers un point de fuite invisible au centre d'un scotome obscur et... plus rien. Je suis là, éveillé. Abasourdi et tout à fait confus : venais-je de rêver sans dormir ou avais-je rêvé que je ne dormais pas.