mardi 23 août 2016

"...I give you the mausoleum of all hope and desire... I give it to you not that you may remember time, but that you might forget it now and then for a moment and not spend all of your breath trying to conquer it. Because no battle is ever won he said. They are not even fought. The field only reveals to man is own folly and despair, and victory is an illusion of philosophers and fools."

- William Faulkner, The Sound and the fury 

lundi 22 août 2016

recommencer à travailler ce matin
damnée rentrée sur fond de grève - encore
devrais me mettre au travail mais non
pas facile quand on est pris dans un livre
qui ne veut pas nous laisser partir

je lis à peu près 75 oeuvres par année
poésie théâtre roman essai
si je tombe sur cinq chefs-d'oeuvre
je me considère chanceux

j'en ai un dans les mains
des rayons de lumière d'août
dans le Sud gothique des États-Unis
une écriture hallucinante si bien
que je lâche un sacre bien senti à toutes les deux pages
devant les beautés accomplies
qui émanent pourtant d'une si terrible noirceur

"Sur le quai morne, dans l'aube triste de ce dimanche matin, trente ou quarante hommes attendaient l'arrivée du train par les portières éclairées passèrent et s'arrêtèrent pour un instant avec un grand bruit. C'était un train rapide qui ne s'arrêtait pas toujours à Jefferson. Il s'arrêta juste le temps de laisser descendre les deux chiens : un millier de tonnes coûteuses de métal curieusement compliqué qui arriva, étincelant et grinçant et qui, dans un silence presque choquant, empli d'un misérable bruit d'êtres humains, vomit deux fantômes dégingandés et apeurés dont les têtes pacifiques aux oreilles tombantes contemplaient, avec une servilité triste, de pâles faces d'hommes qui, depuis deux nuits, n'avaient guère dormi et qui les entouraient de quelque chose de terrible, d'intense et d'impuissant. On eût dit que l'offense initiale du meurtre entraînait dans son sillage, et donnait à toute action subséquente, quelque chose de monstrueux, de paradoxal et de faux, contraire à la fois à la raison et à la nature."

- William Faulkner

dimanche 21 août 2016

Cycle des choses qui naissent puis meurent dans chaque hésitation. Actions entreprises le temps d'un départ, la tête qui part ailleurs ensuite, puis revient et repart. Succession d'hésitations, parfois à peine plus perceptibles qu'un clin d'oeil, qu'une pensée évasive, envolée, comme de la poussière de cendres tombant dans le silence. Et souffle le chaos des idées, le bruit se fixe pour quelques instants. Bruissements des feuilles, crissements des pneus sous la chaussée noyée. Porte ouverte pour un courant d'air. Je ne sais pas ce que je fais ici.

Il fait orage maintenant. Un orage violent mais sans éclair. J'ignore pourquoi, mais je crois entendre des promesses non tenues hurler. Troubles et craintes de l'appréhension. Des voix peignent les toiles du jour, soupirs gonflant les nuages, lourdeur d'une tristesse que n'est pas mienne mais qui m'envahit. Une tragédie se dessine. Une défaite, un abandon sans larme plane. Une décision stricte et dure vient de tomber. Elle ne me touche pas mais vient de retourner mon monde.

vendredi 5 août 2016

La ville est à marée basse. Les pas s'effritent sur. Dépouilles d'épaves asséchées sur le macadam brûlant. Cicatrices de l'érosion. Le vent charrie la chaleur comme une tempête d'haltères. Je dois me cacher du soleil. Je pense que j'ai une maladie de peau, des pustules blanchâtres apparaissent sur mes bras. Dans quelques minutes, le grand saule de l'étang du parc Jarry ne me fera plus d'ombre. Je devrai bouger. Ne pas s'enraciner dans l'été. Combat de goélands et de canards dans l'étang. Pas de vainqueurs, que des fuyards allant se cacher dans la talle de quenouilles. Leur inclinaison est dessinée par le vent, une quenouille verticale n'existe pas. Bruissements de la fontaine en arrière. Des flâneurs partout. Innombrables accents français, bienvenu à Villeray-les-bains. Des enfants pleurent et égratignent ma patience. Le saule n'a pas bougé, mais la Terre a tourné. Je suis en plein soleil. En silence, je l'insulte. Implacable, invincible. C'est qu'il est pesant, l'astre! Les fous de Bassan d'Anne Hébert. Me tombe des mains, lecture difficile, ma pensée décâlisse ailleurs. C'est Le bruit et la fureur version québécoise. Cette violence fait naitre en moi une image qui lentement m'envahit. Ça durera au moins trois jours. J'aimerais tellement être dans ton oeil, ton regard et ta contemplation. Dans la chaleur de l'été, je ne pense qu'à l'octobre roux de tes yeux. Rouille persillée de l'éclipse. Constriction et charme de reptiles incandescents. La bête à deux dos. Nous sommes loups et toisons fraîches, mousses et lichens aux griffes douces qui suintons avant la venue de la rosée. Ténèbres mauves. Corps nus dans la nuit mordante de froid et pénétrations répétées dans la complicité de l'ombre. Les arbres se taisent. Nous sommes leur prolongement. Frimas du sable sous le lit de trèfles auquel tu donnes ton parfum de feu et de neige. Énigme d'un superbe effondrement. Accumuler les orgasmes avant l'aube. Abandon total de nos peaux bleues sous la constellation que l'on invente. Les paroles superflues se noient dans nos salives. Nos âges disparaissent, nous taillons notre encoche dans le temps. Ébats primitifs, épiphanie délétère, amour assassiné dès les premières larmes. Nous faisons l'enfant que nous ne garderons pas. Ce souvenir vit dans les fossiles du sang.