mercredi 26 juillet 2017

contrainte d'écriture : haïkus à l'Unique


suaves vertiges
ta voix d'ivresse éraillée
tes cheveux de cuivre
     _____

maîtresse toxique
tu es mon ange en exil
un spleen éclatant
     _____

voix de perles douces
mythologie à toi seule
me perdre en ton âme
     _____

orage de vivre
tu es la nouvelle muse
l'ombre lumineuse
     _____

tu es un pays
un poison béni des dieux
embrassant le sang
     _____

mon écorchée vive
your life is a work of art
transcendant le temps
     _____

sirène lascive
je maintiens mon aphorisme
la femme, c'est toi

lundi 24 juillet 2017

Mad as the mist and snow

Bolt and bar the shutter,
For the fouls wind blow :
Our minds are at their best this night,
And I seem to know
That everything outside us is 
Mad as the mist and snow.

Horace there by Homer stands,
Plato stands below,
And here is Tully's open page.
How many years ago
Were you and I unlettered lads
Mad as the mist and snow.

You ask what makes me sigh, old friend, 
What makes me shudder so?
I shudder and sigh to think
That even Cicero
And many-minded Homer were
Mad as the mist and snow.

- William Butler Yeats

vendredi 21 juillet 2017

exercice de style - monologue intérieur

Crissement du crayon sur le papier. Le bruit reste quand même occulté par le vrombissement de la clim - drone incessant fluctuant selon les inéquations liquides servant à la fabrication du froid artificiel. Caniculaire journée à l'ombre de laquelle lire représente la meilleure chose à faire. Ai dû fermer la portepatio quand même. Les bruits des rénos dans la ruelle, bancs de scie, morsure de la lame sur le bois qui gémit à répétition aliénante - le son comme origine de l'image - tous ces bruits perdus dans la succion de la porte fermée. En même temps repoussés les bruits des oisillons chantant depuis le tout début du jour, parades nuptiales d'écureuils en rut, caquetant étrangement comme mitraillette, langue claquée sur les dents, à la jonction des incisives et du palais, couraillant sur le toit de tôle, couacs piaillés. Ciel vent et nuages en conclave à se demander à quand le prochain orage. Mon arbre j'ai vraiment hâte de savoir c't'un quoi danse en silence. Rythme des branches, syncopée, pour qui s'y arrête et regarde : un peu de pur chaos. Vin rouge en milieu d'après-midi, entre quatre livres. Comme des piliers sur lesquels j'échafaude un semblant de pensée. Tu devrais lui écrire, qu'il me disait l'Autre l'autre jour. À quoi bon... essayer de comprendre ce qui ne se comprend pas. Retourne à l'Ulysses, miroir de tout plein de questions. Beaucoup de choses ont changé récemment, mais ceci ne changera pas. Livre de la parfaite déroute, des nécessaires détours ; titre opportun s'il en est un et qui précède pourtant cette ultime découverte. Ça aussi ça ne changera pas. L'on vit à une époque démythifiée, dénuée de légendes. Exacerbe l'anachronisme. Y retourner va de soi. Perfection is a mythical beast. Relent de veille. Dialogues plein de verve, parfois abscons, erreur d'interprétation. Pourtant c'était si vrai. Star'd eyes shinnin' upon a darksoul. A deepnight bluekiss, lipsealed, frôlements des doigts et des mains sans moiteur. Ai lu trop d'anglais, je pense en deux langues par les temps qui tantôt courent, tantôt marchent, tantôt restent. Poids du soleil sur la pensée. Me suis montré très vulnérable, témoignage d'une confiance regagnée, mais qui reste incompréhensible pour plusieurs parce que contradictoire. C'est paradoxal, mais pourtant tellement vrai. Il ne reste qu'une poignée d'humains à qui parler. Peu pas dépenser d'énergie pour les autres, ça va me draîner, m'épuiser. It's better to burn out than to fade away? Cette grosse semaine commencée en ayant vu la mort dans les yeux d'un chat noir va se terminer autrement. Quelque chose s'est éteint dans la pupille d'onyx vitreuse. Tristesse de la femme décennale à mes côtés. Étreinte échangée, larmes partagées. Un deuil supplantant l'autre. I have loved better than my soul for all my words, a dit Yeats. Elle restera à jamais et pour toujours un tiers de ma vie. Trop de morts cette semaine, y'a toujours trop de morts. Odeur de cendres froides, ghostnight talk, fearless'spy of one's loneliness... Amour désappris, la déconstruction est terminée. Dix mille mots abrutis englutinés dans les mêmes mille qui reviennent comme marées. Nous boirons ensemble toutes les absinthes. Regards plongés en soi, un métal inconnu raclant l'os, une vitalité implose en flocons de marbre, en rubans de papier carbonisés ; à prévoir : des bouillons assurés dans le tourbillon de vivre et la violence des vagues. 

mercredi 19 juillet 2017

crépuscule grissombre sur la ville
aucune orée d'arbres aux mille repos
aucun abri
qu'une jungle de buildings de béton
désuet de ciment de phares désertés
qui tracent des esquisses
en frontispice d'un ciel incertain
on auréole le lieu de reflets verts
pour lui donner davantage d'artifice

raz-de-marée d'humains indifférés foule
monstre où tous s'avalent avant la métamorphose
mais où ressortent parfois
des corps perlés de lumière bronze
mais ça reste un dithyrambe de décadence prude
les abandons ne sont pas complets
la transe n'est pas totale

plus tard dans les embruns troubles de la nuit
des brouillards d'ombres multicolores
suis entré pas confiant mais incandescent
dans l'antre hostile presque profane
fauve dans la faune
aucunement en manque de proie
parce que conquérant déjà
une blessure comme seul secret bien gardé
une plaie où puiser une volonté de faire
il ne faut pas chercher la faille dans l'armure
il faut trouver l'armure dans la faille

encore une fois tout brûle
mille mots et images distillés en point de fuite
ivresse fusant veines et vaisseaux
les vases débordent
le coeur peine à contenir tout ce qu'il y a de beau
ce mot de Nietzsche

"Non! là il nous est trop difficile de vivre : que pouvons-nous au fait d'être nés pour l'air pur, nous autres émules du rayon de lumière, qui aimerions de préférence chevaucher une parcelle d'éther, semblables à lui, mais en sens opposé, courant vers le soleil! Voilà qui est impossible: - faisons donc ce que nous pouvons : portons à la terre la lumière, soyons la "lumière de la terre"! C'est pour cela que nous sommes ailés, rapides et sévères, c'est à cause de cela que nous sommes virils, même terribles, semblables au feu. Que ceux-là nous craignent, qui ne savent se réchauffer ni s'éclairer auprès du feu que nous sommes!"

il faut désamorcer Prométhée
pourquoi voler aux dieux ce que nous avons déjà en nous?
il faut créer l'oeuvre par le désir même de l'oeuvre

finir la soirée à gueuler des haïkus
dans le confort de l'épuisement
toute gloire dépensée
en n'ayant comme auditoire que les oreilles de la nuit
dans l'ombre a brillé un peu de poésie

je n'ai partagé mon secret qu'au jour naissant
dans tes horizons souviens-toi de toutes mes passions

mardi 11 juillet 2017

courant d'inconscience

littéralement, les trois premières phrases de The Subterraneans s'échelonnant sur trop de lignes ont implosé explosé les trois à la fois dans une entreprise de déponctuation massive, y'a fallu les relire deux trois sinon quatre fois, tout alambiquées qu'elles sont ces phrases, prédelyrium très manse, comme un prélude jazz magistralement improvisé - souffle blowé, rythme marqué, un "it" haletant et réussi - cadence prosodique de l'encre liquoreuse, inspiration délétère des phylactères enfumés : [the subterraneans] are hip without being slick, they're are intelligent without being corny, they are intellectuel as hell and know all about Pound (again!?) without being pretentious or talking too much about it, they were very quiet, they are very Christlike ; plus ou moins ému par le dernier trait, mais les cibles sont différentes pour chacun et l'important c'est que les aigus du cuivre caressent les hanches de nos présents; solfège défait assujetti aux intuitions plus primaires, urgence impossible du tout-dire - l'homme fit le feu bien avant le miroir et il s'y vit quand même, beaucoup plus sûr, beaucoup plus pur - l'encre coule par-dessus les ombres, l'éclair obscure ce qui reste de nous, on s'étiole on s'égraine comme chapelet d'apocalypses superflues, cette prose comme cire solidifiée trop vieille où l'on a oublié de graver nos souples portraits à fins traits d'acier incandescent - cette esthétique du labyrinthe a de quoi dérouter, tous ces débordements ne sont qu'hommages collatéraux, chants des sirènes qui épilent l'écorce de nos tympans, de nos troncs, de nos mâts et nos phares, cherche et aimer tous les mollusques au sang noir, n'être que corail insatiable, plein banc de grand vent, tout blanc et maculé d'émail - ça fera juste un petit contraste avec la ténèbre autour -, tes marées me manquent chère lune diaphane, tout petit désastre irisé de diamant; va, retourne lire ton préféré prophète du banal proféré, cette phrase n'a aucun sens, comme le monde d'ailleurs, auréolé de magie négligeable, un sort désuet est jeté, alea jacta est estie, encore et encore

jeudi 6 juillet 2017

Bourbon
tout ce qu'on a dit hier était du feu
we were Dharma bums, enlighted    
tout enlumièrés
"toi te dépasser, c'est n'être que litotes et euphémismes"
dans les entrelacs des alcools sans fin
on n'a pas vidé des bouteilles
on s'est remplis de flammes

Ma voix, mourant dans l'écho des paroles qu'elle a prononcées, meurt comme rendue de sagesse la voix de l'Éternel appelant Abraham à travers les collines qui la répercutent. Elle se tient adossée aux coussins contre le mur : profilée comme une odalisque dans la ténèbre luxurieuse. Ses yeux ont bu mes pensées : et dans l'obscur de son humide chaude consentante accueillante féminité mon âme, elle-même se dissolvant, a fait jaillir, a répandu et déversé une liquide et profuse semence... Maintenant la prenne qui voudra!...

estie de Giacomo Joyce narré
fulgurance du roman-poème
amour furieux parce qu'interdit
qui n'aura jamais lieu
et qui pour cette raison
demeure immortel

...les longs cils battent, se redressent : une brûlante piqûre d'aiguille darde et tremble dans le velours de l'iris. 

Doyeq en la demeure
drônes et glitchs nocturnes
astrélectroniques d'une nouvelle architecture
I would like to introduce to you
Miss Mary-Jane Bowmore
haleine de phosphorescente fumée
une robe de cendres d'or
fine comme toile d'araignée

une lune aux trois quarts aura suffi
à nous réinventer
même si on croit pas ben ben en Dieu
we were really Dharma bums, enlighted

tout enlumièrés

dimanche 2 juillet 2017

une heure d'haïkus


trop de fulgurances
dernièrement, il me faut
entendre un peu d'eau
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un jour de grands vents
la douceur de Sôseki
un silence d'or
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Je l'ai enterré
Là où le vent de l'automne
Ne l'atteindra plus.
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les heures sont lentes
des nuages pommelés
la montagne dort
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des images frêles
nimbées de lumière grise
divaguent et s'apaisent
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à mes tempes tièdes
l'horloge étire son charme
et je m'oublie, calme
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prête l'oreille à
la conscience du passé
avant qu'elle se taise
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je garde en mémoire
sa superbe mystique et
sa totalité
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dans le coeur de chacun
une infinité de choses
cherchant à vivre
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Ti-Jean, c'est pas tant
le haïku qui est sacré
mais bien le moment