mercredi 18 décembre 2013

Et tout le métal tordu

Les paumes nus apposés sur sa nuque je lui ai dit embrasse-moi jusqu'à ma mort, jusqu'à ce que mon horizon s'enflamme et que ton absence devienne cet enfer où tout le métal se tord. Embrasse-moi, ma beauté, intemporel l'infini de ton corps trace la ligne de mon sort. Que le soleil tombe, que la machine qui nous dévore perde tout son sang, que l'on se tienne par la main dans l'inévitable chute vers les derniers jours et que la réalité devienne ce rêve duquel toi et moi s'éveillons, heureux d'amour et d'un suicide désamorcé. 

Does nobody understand?

Sont les derniers mots de James Joyce avant de mourir. Tout est là. Dans les dix-sept dernières années de sa vie, Joyce a travaillé à écrire le roman total de la globalité totale. Le livre spiral et babylonien de l'incommunicabilité des hommes et des âges. Le livre du passé, du présent et du futur. Abolir les limites de l'espace, chercher de nouveaux univers, s'extirper du temps, du sablier de la mort où s'égrainent les cendres d'encre d'une vie qui glissent entre les doigts, comme le sable de l'instant, s'écorcher la pensée sous le joug du mystère, se nourrir d'énigmes, accepter le langage du rêve comme alternative et abandonner ses sens aux possibilités de l'équation et aux avatars de la compréhension. L'impression que ces dix-sept années passent dans l'instantanéité d'une seconde, dans le clignotement de la vision prophétique, et la constatation que personne ne lit. Dix-sept ans réduits à notre indifférence ne sachant rendre hommage aux proportions de l'éternel.

Je regarde les étoiles dans le ciel et voit les différents spectres des mots, la constellation se construit dans l'architecture du regard, dans l'édifice de la pensée, et dans notre incompréhension, nous mesurons toute l'étendue de cette tragique solitude.

temps de nuit

J'ai vu des atomes d'éternité se disperser au gré des flocons d'un soir d'hiver, la volonté maîtresse promesse des réalités se heurter à l'arrogance de l'autre. 

Je n'ai de suffisant que mon objectif atteint, que ma fierté serve ma cause, je laisse la prétention dans la ruelle désoeuvrée des cyniques, dans l'incomplet portrait de leur froideur. 

L'évolution s'épuise dans la répétition de notes confuses, les êtres désaccordés de la nuit m'ont offert un désarroi profond. Le cycle des désuétudes.

Et toujours plus que jamais l'ambition embrasse la volonté dans l'espoir d'une glorieuse union.

mardi 10 décembre 2013

Dialogues entre Arthur Power et James Joyce

- Peut-être avez-vous raison, répondis-je, car la question est celle-ci : A-t-on jamais crée un art digne de ce nom qui ne fût romantique?
- Tout dépend de ce que vous appelez art, n'est-ce pas? Car, à mon avis, il y a autant de formes d'art que de formes de vie.
- C'est, dis-je, sous une forme ou sous une autre, l'enivrement d'être toujours soûl, comme le dit Rimbaud, soûl de vie... n'est-ce pas ainsi que devrait être un artiste?
- C'est le côté sentimental de la question, dit Joyce, mais il y a aussi la conception intellectuelle qui vise à disséquer la vie, et c'est ce qui m'intéresse le plus maintenant. Chercher ce qui reste de vérité dans la vie, au lieu de la boursouffler de romantisme, ce qui est une attitude fondamentalement fausse. Dans Ulysse, j'ai essayé de forger la littérature à partir d'une expérience personnelle, et non à partir d'une idée préconçue ou d'une émotion fugitive.

jeudi 5 décembre 2013

oh que oui...

(à lire à voix haute) : "... well as well him as another and then I asked him with my eyes to ask again yes and then he asked me would I say yes my mountain flower and first I put my arms around him yes and drew him down to me so he could fell my breast all peruke yes and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes."

Le dernier Yes, le dernier mot, L'eschatologie du livre se donne seulement à lire puisqu'il se distingue des autres par une majuscule inaudible, comme reste inaudible, seulement visible, l'incorporation littérale du oui dans l'oeil de la langue, du yes  dans le eyes. Langue d'oeil. 
- Jacques Derrida à propos de James Joyce

samedi 30 novembre 2013

chanson

Les fleurs inutiles
De mon mal invisible
Jettent leur odeur
Dans la rue
Où je passe à toutes les heures
Perdu
Dans l'espoir d'un nouveau délire
D'un nouveau délire

Parce que je crains le pire
La peur de mentir
De tomber des nues
Avant que les secours arrivent
Et me trouvent nu
Perdu
Dans l'oubli d'un beau souvenir
D'un beau souvenir

Parce que le temps s'étire
Presser de partir
Me laissant sur le quai
Je crains de ne pouvoir finir
Ce que j'ai commencé
Perdu
Dans la perte d'un nouveau désir
D'un nouveau désir

jeudi 21 novembre 2013

Quatrain

Mon regarde confronté aux restes du monde
Étouffe sa honte à coup de paupières humides
Et les poussières aux commissures abondent
Pendant que les étendues se remplissent de vide

jeudi 14 novembre 2013

entrée inutile

L'heure n'a pas d'importance. Et pourtant elle est là, silencieuse et lourde, elle s'écoule dans les gorgées chaudes de mon verre. Sur la table se déploient les ingrédients de ma vie. Tout ce qui me compose sans que j'y porte attention. L'alcool, le sel et le bois épicé du jour. Puis, le silence joue sa partition que moi seul entend ; un air ensuite un autre. Je rends grâce au silence en le laissant être le chef d'orchestre de cette nuit. Mais les musiciens manquent et j'erre sur la scène de ma solitude. Tranquillement, la fatigue dépose sa poussière sur mes yeux. J'aspire à l'aléatoire de l'aube où s'ouvriront mes paupières sur d'autres espérances. 

samedi 9 novembre 2013

temps des jours

le ciel est un poème
le ciel est un mouvement
défait des formes fixes
qui s'échappe vivant
de l'horizon de l'oeil
de la ligne évanescente
des images projetées
sur le fond du songe
dans la splendeur
et la superbe de l'orbe
gris de lumière

mercredi 6 novembre 2013

Le pouvoir provenant de l'intérieur atrophie le corps : il faut savoir utiliser ce qui nous entoure, là réside l'ouverture à l'utilisation intelligente du pouvoir.

vendredi 1 novembre 2013

Panne de courant

Je déteste cet autre putain de cahier à chier où s'empoussièrent pensées et poèmes, pathos et promesses. Avortement de l'âme. J'ai sommeil. Je pourrais filer jusqu'au surlendemain. Une soudaine envie d'étouffer le temps, de tout brûler en buvant. Scotch. Inhaler le soufre en m'échaudant le gosier de braises liquides. Panne de courant. L'obscurité. Écrire à la chandelle un ratage que je célèbre mélalcooliquement. Brouillon. Mais non pas de grands scotchs, que la bière du pauvre, l'encre du pauvre, le poème du pauvre voilé par la richesse endormie du grand édifice. Labyrinthe ambitieux. Le flux des mots martelant le rythme des idées. Mitraille la veine morte. Raille vaine mort! N'importe quoi pour remplir ma pinte, n'importe quoi pour remplir mon vers.

mardi 29 octobre 2013

quatrain

après les peurs éprises meurent 
dans le souffle la brusque brisent
les brumes et dans l'écho un heurt
me rappelle les heures grises

vendredi 25 octobre 2013

J'ai déterré les racines du désarroi du vortex de mon être poussiéreux. L'amour me porta un coup de rasoir et mes souvenirs survivent dans cet écoulement de sang.

À propos de Proust...

"À la recherche du temps perdu est une évocation, et non pas une description, du passé [...] L'ensemble est une sorte de chasse au trésor, où le trésor est le temps, et le passé la cachette, c'est là le sens profond du titre. [...] La clef de la reconstruction du passé se révèle être la clef de l'art. La chasse au trésor se termine bien, dans une grotte pleine de musique, dans un temple enrichi de vitraux. Les dieux des religions traditionnelles sont absents, ou peut-être serait-il mieux de dire qu'ils se sont dissous dans l'art."
- Vladimir Nabokov

"Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément, rapport unique que l'écrivain doit retrouver pour enchaîner à jamais dans sa phrase les deux termes différents. On peut faire se succéder indéfiniment dans une description les objets qui figuraient dans le lieu décrit, la vérité ne commencera qu'au moment où l'écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l'art à celui qu'est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d'un beau style, ou même, ainsi que la vie, quand, en rapprochant une qualité commune à deux sensations, il dégagera leur essence en les réunissant l'une et l'autre, pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore, et les enchaînera par le lien indescriptible d'une alliance de mots."
- Marcel Proust

dimanche 13 octobre 2013

automne

sur les cendres de l'été
naquirent les braises de l'automne

dans la lumière des arbres
éclatèrent les beautés fumantes
les corps vivants

dans l'ombre fraîche
le soleil s'oublie
et charme les dorures du tableau
dans lequel s'épousent les formes

la structure des heures
le tablier du jour
le temps commun mais propre

dans l'octobre flamboyant
de mon incomplétude
la nuque détendue sous l'aléa du vent
les teintes de feu délibèrent
les langues d'une saison fauve

mercredi 9 octobre 2013

En attendant du neuf...

"Le Manteau de Gogol est un obscur et grotesque cauchemar qui perce des trous noirs dans la trame imprécise de la vie." 
-Vladimir Nabokov

lundi 16 septembre 2013

"Akaki Akakiévitch fut emporté et mis en terre. Et Pétersbourg resta sans Akaki Akakiévitch, comme s'il n'avait même jamais existé.  Ainsi disparu et s'effaça un être dont personne ne prenait la défense, auquel personne ne tenait, auquel personne ne s'intéressait, qui n'avait pas même attiré l'attention d'un naturaliste qui ne rate jamais une occasion de piquer sur une épingle une mouche banale pour l'observer au microscope ; un être qui, au bureau, supportait humblement les moqueries, et qui était descendu au tombeau sans la moindre affaire extraordinaire, mais pour lequel, malgré tout, ne fût-ce qu'à la toute fin de son existence, un hôte de lumière avait jailli sous la forme d'un manteau, qui avait ranimé un instant sa pauvre vie, et sur lequel, ensuite, avait fondu un malheur tout aussi insupportable que celui qui fondre sur les rois et les maîtres du monde...
- Nikolaï Gogol

jeudi 12 septembre 2013

Elle est pâle la chute du jour empreinte de solitude. Il n'y a que quelques enfants marchant insouciants, leurs lacets trop longs traînent sur la chaussée humide. Des flocons de lumière perlent sur l'évasion du temps et s'éteignent agonisant. Le crépuscule flou déploie le manteau invitant de la nuit. Invitant pour les âmes espérant de nouveaux bals où danser jusqu'à se perdre dans des tourbillons de lumière. Danser les yeux fermés jusqu'à n'entendre et embrasser que les échos d'une folie douce.

mercredi 4 septembre 2013

Le livre défibrillé

Les lambeaux de bois tombent en pelures sur les pages ouvertes des histoires non lues ; les mots, appels et promesses incongrues viennent et passent et marquent le présent éphémère de leur poussière. La chute des murs voisins dévoile le cobalt du ciel. Les mots et les images fusent et fusionnent dans l'entonnoir obstrué de l'esprit, attendant le hoquet de l'âme électrique pour recracher les ébauches des poèmes raclures et les fureurs hésitantes de l'être. Inadéquations des paradigmes. Construire le mystère obtus en mal de réponses, voilé des songes. Il faut chercher l'éclatement de la vie quitte à ramasser des parcelles et des copeaux de coeurs disséqués après.

mardi 3 septembre 2013


je dessine les villes où tu te trouves
car le monde se construit autour de toi

lundi 26 août 2013

soliloque

c'est la rentrée et déjà je commence après les autres dans leur ombre à leur suite en retard les devoirs à faire me pèsent l'instant s'arrête le temps d'une gorgée de café puissante amertume matinale dans la rosée déjà oubliée de l'aube je suis pris entre deux saisons il fait si gris aujourd'hui et pourtant j'ai si envie d'aller dehors de respirer le courant d'air encore chargé de l'orage d'hier encore nimbé des parfums crépusculaires qui ont envahi comme à chaque nuit le sommeil indifférent des autres et qui évanescents s'éteignent dans l'éveil de l'aube par-delà les ronflements grossiers des impénitents des arrogants le monde entier manque de honte ils sont bien trop importants mon front crâne en ma main moite je sens du bout des doigts les pensées s'atomiser et se disperser dans un trajet inconnu qui ne m'être autre que la tangente des rêves l'horreur des humiliations de certains rêves cette nuit quand même je ne veux pas d'insomnie le rêve devrait être le monde une absurdité éhontée déjà avancée dans le passé toute une journée à attendre impatient que le monde commence vraiment du coin de la rue vient à moi l'odeur spectaculaire du four à bois de la pizzeria arménienne qui prépare les lamadjounes du jour j'aimerais que mes poumons soient des fenêtres grandes ouvertes au présent aucun souvenir ne surgit l'emporter sur  l'instant je m'en étonne le courant et les marées du jour ne peuvent se terminer d'aucune façon  et j'observerai leurs invisibles mouvements aux multiples teintes de gris dans chacune de mes actions

vendredi 23 août 2013

quatre amis

On est tous un point cardinal unique
On va tous dans notre direction propre
Et c'est nécessaire à la symétrie du monde

lundi 19 août 2013

Temps des jours

Fermer les yeux pour voir ce que le vent montre. Ne pas sentir la construction des habitudes s'ériger à nouveau sur de nouveaux rêves marqués de l'introuvable souffle, toujours et encore vers l'indélébile quête. Chercher à tâtons cet élan, cette poussée qui naquit de la descente des hauteurs libres et fécondes...

lundi 29 juillet 2013

Sur l'axe vexé...

Sur l'axe vexé des symétries obliques
Reposent les déséquilibres des coeurs.

Dans l'arythmie des passions
S'alternent les esprits et les corps.

Dans une valse violence
Les profils tremblent l'oeil dans l'oeil,
Les profils tremblent du magma des désirs,
Les profils tremblent jusqu'à la fusion des lèvres.

Ils sondent leurs rêves dans les baisers étranges
Et ne voient que les miroirs brisés de leur être.

Déjà s'opèrent les fractures du temps à venir.
Le reste n'est que réparation
Pour que demeurent scellées les âmes seules.

Le sens se désintègre et
Malgré eux les amours construisent de la poussière.

vendredi 28 juin 2013

temps des jours

Le temps coule aujourd'hui comme cette pluie qui n'a de cesse. Diluvienne. Le ciel léviathan qui observe indifférent et qui cache. Non le néant n'est pas noir, il est gris. Un gris pluriel cachant plus de teintes et de pensées que toutes les autres couleurs. Les extrémités sont fines et le spectre, large. Et partout autour les encres et les vers épars. Plus tard, j'irai sous les voûtes alcools, témoins stoïques de bois de plomb, écouter l'amertume et l'éther inoffensif de mes frères fatigués, qui pérorent sur la perte des pères pour extirper des heureux souvenirs les promesses de nouvelles félicités. Endormie, aujourd'hui est une journée sans ombre.

jeudi 27 juin 2013

Je suis entré...

Je suis entré dans la nuit percé des pierres de l'amitié, des pierres brutes uniquement travaillées par le temps et le respect des hommes. Les âmes conjointes en piliers. Les teintes des souvenirs s'effacent dans l'étreinte des grands silences. Et le rameau de l'ombre se déploie. Et s'immisce l'encens du sommeil. J'y entre et pense que je ne rêverai pas, j'attendrai que l'aube aille lécher un nouveau jour.

mardi 18 juin 2013

Une possibilité de la solitude

Sentir malgré les murs oppressants
la soie des sens se délier
dans les vaisseaux du labyrinthe.
Alerte aux intrusions absentes mais souhaitées,
délié aux pieds des Parques studieuses,
un front noué de solitude
se dévoue à l'incessante étude
de ses austères félicités.

dimanche 9 juin 2013

Il est un périple...

Il est un périple qui se fait dans le clair-obscur des langues, où il butte sur le corail tranchant de l'instant. Il est une captivité volontaire d'où il s'évade jusqu'aux confins des connaissances, où se jette dans le vide la conscience. Il est un savoir qui se déploie au-delà du précipice aggravé des nouvelles sciences, au-delà du littoral en mutation.

jeudi 6 juin 2013

quatrain

en toi l'idée assise s'assourdit
marche le long des cortèges ambigus
foule de tes pieds le sol de ta vie
proche la conscience erre dans les rues

dimanche 2 juin 2013

Quand l'orage amène le désert

Aujourd'hui le jour ne s'est pas levé. S'est déchaîné dans le brasier gris du ciel le crépitement de la pluie. Interstice. Incessant. Anfractuosité où se moulent des harmonies opérantes. La fuite de l'instant vers de plus grands concerts. Armure de l'immoment. Aujourd'hui le jour ne s'est pas levé mais le temps a continué.

vendredi 31 mai 2013

Bruissements

La chaleur des feux absents soulève les premiers soupires d'une force à venir. Il souffle un vent de muse narcoleptique. Des parfums fugitifs flottent en débris, douleurs odorantes, le sien épuisé dans le dédale aérien des souvenirs, ébauches et assises du rêve qui se fait attendre. Chaleur fauve du crépuscule naissant. Les coeurs tièdes assourdis des distances, et s'étale la démarche d'une tempête dans les insupportables soubresauts du vent. La feuille brille le vert meurt. Et le réel étrille un espoir latent.

dimanche 26 mai 2013

quatrain

et le poids du temps étouffe les dieux qui chantent
en toi et qui tentent de soulever les voix
les yeux baissés le cou penché les mains qui tremblent
dans une longue attente et dans un calme effroi

jeudi 9 mai 2013

temps des jours

Le printemps s'engouffre dans l'évent des rues. De pente en pente, je vois l'horizon se briser dans les gratte-ciels et poindre entre eux de lumineuses verticales qui, en traversant la ville, s'éteignent dans le vertige de l'essoufflement. En mal d'espace les sens s'automatisent dans la mécanique grise de l'urbanité, le coeur bat vite machinal alors que s'ouvrent les ventricules de béton qui drainent le sang rouillé des voitures. La vie maintenue en ville artificiellement. Je file à toute allure, monte et descend dans les raclures, je suis la pulsation des mesures.

lundi 6 mai 2013

A day of dappled seaborne clouds

"The phrase and the day and the scene harmonized in a chord. Words. Was it their colours? He allowed them to glow and fade, hue after hue: sunrise gold, the russet and green of apple orchards, azure of waves, the greyfringed fleece of clouds. No, it was not theirs colours: it was the poise and balance of the period itself. Did he then love the rhythmic rise and fall of words better than their associations of legend and colour? Or was it that, being as weak os sight as he was shy of mind, he drew less pleasure from the reflection of the glowing sensible world through the prism of a language manycoloured and richly storied the from the contemplation of an inner world of individual emotions mirrored perfectly in a supple periodic prose?

[...]

We are right, he said, and the others are wrong. To speak of these things and to try to understand their nature and, having understood it, to try slowly and humbly and constantly to express, to press out again, from the gross earth or what it brings forth, from sound and shape and colour which are the prison gates of our soul, an image of the beauty we have come to understand - that is art."
James Joyce

dimanche 28 avril 2013

Temps des jours

Le balcon brûlant se conjugue à l'amertume laiteuse et anisée du pastis. À la croisée d'une multitude de variables tantôt désarticulées tantôt promptes, je défais certaines pensées, j'abolis les images et me réduit sans cesse en mon centre ; j'écris et m'oublie aux passants, au temps qui vente un peu tiède maintenant. Et veulent surgir les espérances latentes que je repousse dans l'alcool blanc.

jeudi 25 avril 2013

Énorme

(désolé de n'avoir pas l'original anglais)

"Tous les grands livres du monde ne sont que les ombres mutilées des images invisibles et éternellement inincarnées de l'âme ; ne sont que les miroirs qui nous renvoient les reflets déformées de nos propres éléments." - Melville

mercredi 17 avril 2013

Un pont

Une autre pierre au pont posée, un autre livre de terminer, un soldat de plus dans mon armée du langage : The Primal Screamer, de Nick Blinko. Dans les deux derniers jours, toutes mes pensées se sont concentrées autour de ce "vivid void", ce "néant vivifiant", et un autre constat s'est ajoutée entre moi et la conception que je me fais de tout ce qui est autre. Cette constatation a quelque chose d'inquiétant mais également de fascinant : ce total et irrévocable attrait que j'ai parfois à (l'envers et) l'endroit de la folie. À défaut d'avoir un sentiment récurrent envers un concept unidirectionnellement fataliste, ou absurde, comme la mort ou - ce poison lent de mon ère - la violence, je manifeste plutôt un intérêt particulier et latent, parce que j'y pense et que cela sommeille en moi depuis très longtemps, envers la folie. Non pas que j'y sois sujet, c'est justement cette inaccessibilité qui la rend d'autant plus séduisante : le fait de ne pouvoir traverser ce pont - de voir ce qui se trouve de l'autre côté, ce que je peux même voir à l'oeil nu - est d'autant plus hypnotisant parce que visible mais hors d'atteinte, parce que si proche mais inatteignable - et donc rejoindre sinon entrevoir le spectre éclatant de la folie. Puis c'est sur ces assertions que le spectre s'écarte.
Le livre de Blinko raconte le combat d'un homme contre la folie, à travers les yeux de son psychiatre. Combat inégal s'il en est un car l'on ne peut battre la folie, on ne peut que l'accepter. Le premier tour de force de ce roman semiautobiographique est la dépersonnalisation de Blinko, qui confie la narration à l'autre (le psychiatre), créant ainsi une triangulation lui permettant de s'observer, de s'analyser et de se critiquer avec une franchise et une honnêteté très audacieuses : il y a dans cette technique une inspirante acceptation de sa propre vulnérabilité. Puisque que la folie demeure le fil conducteur du texte, Blinko ne peut contenir pareille dépersonnalisation pendant 120 pages et tranquillement, à travers le monde des rêves et de l'hypnose, l'autre devient l'autre en soi, la décompensation des défenses amène une régression, jusqu'à la fusion des deux personas se soumettant à plus fort que soi(s) : la folie. La franchise et l'abandon de Blinko sont admirables, totales et cathartiques.
Le dernier chapitre du livre est le plus tordu mais le plus fascinant parce que le plus mystérieux, parce qu'il ouvre une porte sur le monde au-delà la réalité et de le folie - le monde de l'innommable, le monde du rêve : "Dreams are important. Far more important than the drab consciousness of our awakened state. I have reason to believe that it is possible to enter the dreamworld entirely." Alors que tranquillement je me prépare pour la lecture de Finnegans Wake, - livre libre au symbolisme éternel parce que circulaire, livre que Joyce mit 17 ans à écrire et pour lequel on le traita de fou, livre-spirale qui utilise le langage du rêve - cette finale ne pouvait être plus appropriée. À suivre...

mardi 16 avril 2013



"Creativity, however pessimistic it appears, is quintessentially optimistic, proven by the fact of its actual existence."          
- Nick Blinko

dimanche 14 avril 2013

Ouch

"La maladie avait fait son lit en lui, ce n'était plus qu'une question de temps - De toute façon, il y avait des années que Jack savait qu'au bout de la route on ne saurait trouver que la mort... que la mort... oui, Jack est mort le 21 octobre 1969... et vous???"
- VLB

mercredi 10 avril 2013

temps des jours

se laisser aller dans un autre ouvre-rage
ne pas baisser l'oeil, alerte
fixant toujours cette quelconque quête
accepter l'obstiné mirage

samedi 6 avril 2013

Constat

Lire Utilité du Beau de Victor Hugo et me rendre compte que toutes mes aspirations poétiques ont été théorisées et dissertées avec une maîtrise absolument inégalable il y a plus d'un siècle et demi.  Rien pour dissiper la première inutilité de ma poésie. Coup de barre. Casse / Un accablant clou de plus sur le cercueil duquel je tente de m'extirper.

jeudi 4 avril 2013

jouer

"Au Québec, nous avons été longtemps à nous priver de la liberté de jouer avec les mots. À la vérité, nous n'avions pas le temps d'avoir de l'humour, et pas la force. Nous n'étions pas un peuple sain, en ce sens que l'immédiat exigeait tout de nous. Pourtant, nos pères connaissaient bien l'art de jouer avec les mots. Toute notre tradition orale est pleine de ces contes joyeux qui disent bien que nous étions une tribu au verbe audacieux qui avait l'instinct du langage."
- Victor-Lévy Beaulieu

samedi 30 mars 2013

bonne nuit

"and low, stole o'er the stillness the heartbeats of sleep" - James Joyce

vendredi 29 mars 2013

pensée

Samuel Beckett, ou comment néantiser le néant - l'existence et l'être - dans un foisonnement minimaliste d'écriture s'auto-dévorant.

lundi 25 mars 2013

Peut être

Il est assis à son bureau et regarde dans le vide. Dedans comme dehors, il fait un temps incertain. Il se surprend à rêver un peu puis revient. Il se prend la tête et tente tant bien que mal de s'extirper de l'instant. Les mots doivent glisser par-dessus l'instant au-delà du moment et viser l'intemporel. Mais rien, ça s'éteint pris dans un sablier. Il fait le constat de l'énormité de sa solitude, un sourire en coin, tantôt jaune tantôt vrai. Puis survient l'autre et revient ce regard trouble, ce regard perdu dans l'azur vert des rêves récurrents.

jeudi 21 mars 2013

a(bs)ttraction

exposer une métaphysique de l'instant
et dans le frémissement de l'onde
l'explosion des tremblements

jeudi 14 mars 2013

espace

j'expose une quête en apparence immobile
dans l'inéquation des changements et des instants
j'insiste, inutile, et continue de croire que l'homme est à refaire
Et je contemple les murmures blancs
ces espaces où fusionnent le réel et l'imaginaire

lundi 11 mars 2013

traces


Emporté, je suis la traînée que laisse le sillon des mots.
Incapable d'écrire. Que lire, lire, lire et relire.
Pendant que lentement, les mémoires sédimentent.

mardi 26 février 2013


dans le poème brumeux du matin
alors que les outils affûtent le temps
j'ai senti éclore et battre le pouls du jour

samedi 23 février 2013

Temps des jours

"Au fond, je ne suis qu'une série de vagues successives mais indépendantes les unes des autres, tantôt pacifiques et tantôt démontées. C'est pourquoi tout projet est appelé à fuir à la surface même de moi, parce que je suis incapable de pénétrer à l'intérieur."                                 
- Victor-Lévy Beaulieu

Les mots passent comme la neige ce matin qui frôlent les lambeaux de l'aube. Les phrases créent le jour dans lequel l'on se lasse ou se lance. Cette valeur de l'instant lorsqu'on se rend compte que l'on s'accorde un peu de temps.

mercredi 13 février 2013

Polyphonie

Ce qu'il y a d'absolument extraordinaire lorsqu'on lit le meilleur de Victor-Lévy Beaulieu, c'est qu'en plus de bénéficier des mots d'un ultime homme de lettres, c'est-à-dire d'un écrivain pénétrant doublé d'un lecteur inouï, on ne lit pas un mais une multitude de romans à la fois, l'histoire se déclinant en une pluralité de voix dialoguant dans la vivifiante vérité, respectant les partitions de l'autre et s'harmonisant au bon moment pour créer une totalisante polyphonie universelle.

lundi 11 février 2013

Avant l'aube

Parce qu'absolument incapable de dormir, je lis ce long rêve. Aux lueurs des chandelles s'amenuise et s'étiole dans la nuit tout le monde autour. Dans Monsieur Melville, de minuscules caractères déploient une extraordinaire immensité (Hénaurmes lettres lorsque mots sont titans!), VLB délire et délivre les secrets noyés des océans de Melville qui ne lutta contre aucune baleine parce qu'engouffré dans une. On est tous à un moment ou l'autre avalé dans la panse d'une baleine. (Surtout dans l'insomnie)

vendredi 8 février 2013

variation sur un même thème

"Le désir non comblé mais cherchant à l'être est une force vivifiante. Le désir satisfait n'est plus rien puisque rien ne saurait jamais se voir fixé et puisqu'il est dans le commun des choses que tout ne fasse que se laisser détruire, entraînant n'importe quelle création dans son sillage."
- Victor-Lévy Beaulieu

mardi 5 février 2013

les bruits blancs

Les bruits blancs naissent dans les premiers fuseaux du jour, aux abords du précipice mat où l'on se perd. On les étouffe avec l'insuffisance des mots, avec leurs prolongements du passé au présent, qui vont jusqu'au futur comme les fossiles réincarnés des émotions d'alors. Les mots pris dans les pluriels multiples. Cette lutte entre les bruits blancs et les assises de l'inachèvement.

Prudence

"À force de vivre avec l'autre, dans le monde des mots de l'autre, on en oublie sa puissance, on la fait devenir quotidienne, on la désamorce en quelque sorte, on y tue toute la beauté qu'on y avait vu et de laquelle on se nourrissait. Ce qui guette le livre à faire, c'est l'épuisement des images qui vous sont venues de lui, qui se sont inscrites en vous à un point tel que vous finissez par les faire vôtres, sans aucune réciprocité."
                                                                                            - Victor-Lévy Beaulieu

vendredi 25 janvier 2013

exercice de style

Huitain (oeillade à Villon)

De fils décousus entouré
Ici et là-bas je me lance
De n'arrêter une pensée
Sans que déjà une autre attende
Et dans ma tête échevelée
Se découpent en petits ensembles
Pour que ces fils soient démêlés
Qu'un peu de temps je ne demande

vendredi 18 janvier 2013

immense

"Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté."    -René Char

jeudi 17 janvier 2013

essai

"Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir." -René Char

Le poème est le lieu d'une disparition, d'une parenthèse et d'une rupture avec le réel et l'uniforme. Il survient dans ce lieu des irruptions décalées ou oniriques comme des spasmes étranges qui valsent avec le temps, le réel et le saisissable. Et le poème est avant tout un lieu de contradictions où les sens sont questionnés par l'imprévisible que l'on conscientise pour donner une signifiance à l'abstrait. C'est un lieu où l'on se refuse et s'abandonne - je est un autre inconnu - et où l'on laisse à l'aléatoire les altérités du soi. 

mercredi 16 janvier 2013

musique du jour

Holding you, good at being alone, une traînée d'avion se défait laiteuse et ceinture le ciel encore bleu avec ses teintes de rose et de jaune loving you, could it be alone le jour se fait tard et la soirée arrive tranquillement et se répand comme nuée, nous sommes en plein hiver que déjà les jours s'allongent un à un kissing you, tell me I belong donnant aux nuits de nouvelles noires heures holding you L'elliptique hypnose d'une chanson electro ne m'a pas lâché de la journée good at being alone et a inséré un énigmatique mécanisme teinté de cette sensualité loving you, could it be alone apaisant les sens dans une quiétude douce et ferme à la fois Kissing you, tell me I belong où ce vers persiste sans raison sinon la fatigue : l'archange électrique implose en silence dans l'absence enterrant les souvenirs. Et toutes ces musiques résonnnnent loooooooongtemps.