mercredi 30 août 2017

sonnet en hendécasyllabes


terrassé et subjugué d'odieuses entraves
je fuis malade en solitude brumaire
ce sillon ton corps robe d'odeurs amères
ton corps nuité de brume et de grandes draves

l'écart entre nous que le silence lisse
et vaine essence qu'on inhale les lèvres
exsangues sous la morsure de la fièvre
rendent éphémères nos délires complices

exhalaisons de l'échancrure du gouffre
sans toi ma peau distille sueur et soufre
ma gorge sèche à l'outre du souvenir

mon être ce fjord attend un nouveau schisme
mais les amours ces démons déploient leur rire
et chassent cruels l'essentiel exorcisme

























samedi 26 août 2017

Pédagogie


INT. CLASSE - Vendredi 5h p.m.

Les murs sont beiges, sans fenêtres. Quarante étudiants regardent le prof, ils sont blasés et ils ont juste hâte de s'en aller parce que la première semaine fut brutale. 

LE PROF
Donc, comme je le disais, vous devez commencer la lecture de 
Dublinois en fin de semaine et question de vous imprégner de la 
culture irlandaise un peu, - on vient de voir que vous aviez du
rattrapage à faire à ce sujet - vous devrez aller dans un des
nombreux pubs irlandais de Montréal boire une pinte de Guinness.
Pas une rousse, une blonde ou n'importe quelle bière, une Guinness.
Et ce n'est pas une suggestion, c'est un devoir. 

(Les étudiants prennent à la légère cette boutade, la plupart d'entre eux sourit. Le prof ne démord pas et affiche un faciès imperturbable. Antoine le remarque, son sourire s'estompe.)

ANTOINE (interloqué)
Euh, vous êtes sérieux monsieur?

LE PROF
Absolument. Est-ce que j'ai l'air de blaguer?

(Les étudiants cessent de rire, un silence s'installe rapidement.)

Est-ce que quelqu'un y voit une objection?
(sans leur laisser le temps de répondre) Non? Parfait excellent!
Par solidarité, évidemment, je vais m'imposer ce devoir aussi.
Bonne lecture et bonne fin de semaine!

(Les étudiants se lèvent et sortent en blaguant, l'esprit léger, contents de cette première fin de semaine qui commence, contents de leur premier devoir.)



















quelle fin


"As he sat there, living over his life with her and evoking alternately the two images in which he now conceived her, he realised that she was dead, that she had ceased to exist, that she had become a memory. He began to feel ill at ease. He asked himself what else could he have done. He could not have carried on a comedy of deception with her; he could not have lived with her openly. He had done what seemed to him best. How was he to blame? Now that she was gone he understood how lonely hey life must have been, sitting night after night alone in that room. His life would be lonely too until he, too, died, ceased to exist, became a memory -- if anyone remembered him.

It was after nine o'clock when he left the shop. The night was cold and gloomy. He entered the Park by the first gate and walked along under the gaunt trees. He walked through the bleak alleys where they had walked four years before. She seemed to be near him in the darkness. At moments he seemed to feel her voice touch his ear, her hand touch his. He stood still to listen. Why had he withheld life from her? What had he sentenced her to death? He felt his moral nature falling to pieces.

When he gained the crest of the Magazine Hill he halted and looked along the river towards Dublin, the lights of which burned redly and hospitably in the cold night. He looked down the slope and, at the base, in the shadow of the wall of the Park, he saw some human figures lying. Those venal and furtive loves filled him with despair. He gnawed the rectitude of his life; he felt that he has been outcast from life's feast. One human being had seemed to love him and he had denied her life and happiness: he had sentenced her to ignominy, a death of shame. He knew that the prostrate creatures down by the wall were watching him and wished him gone. No one wanted him; he was outcast from life's feast. He turn his eyes to the grey gleaming river, winding along towards Dublin. Beyond the river he saw a goods train winding out of Kingsbridge Station, like a worm with a fiery head winding through the darkness, obstinately and laboriously. It passed slowly out of sight; but still he heard in his ears the laborious drone of the engine reiterating the syllabes of her name.

He turned back the way he had come, the rhythm of the engine pounding in his ears. He began to doubt the reality of what memory told him. He halted under a tree and allowed the rhythm to die away. He could not feel her near him in the darkness nor her voice touch his ear. He waited for some minutes listening. He could hear nothing: the night was perfectly silent. He listened again: perfectly silent. He felt that he was alone."

- James Joyce, A painful case











jeudi 24 août 2017

haïkus de fin de vacances, de rentrée, épars ici épars là-bas


arpenter la ville
aux aléas de nos soifs
la nuit est à nous
      _____

chaque fois que la
porte sonne je fais un
tabarnac de saut
     ______

une canicule
le soleil plie le métal
l'asphalte suffoque
     _____

il faudrait écrire
un poème de pure eau
froide de silence
     _____

le plus souvent les
mots ne servent qu'à
habiller notre néant
     _____

estie qu'y a des gens
sur le Mont-Royal
qui courent comme d'la marde
     _____

(faut tellement pas
prendre tout ce que j'écris
au premier degré)
     _____

à chaque poème
de Mallarmé mon cerveau
vit meurt et renaît
     _____

elle me sourit
une aut' fois de même
et je lui mange les jambes
     _____

en te regardant
elle mordillait sa lèvre
un désir brûlant
     _____

une peau de bronze
effleurée par mille vents
et mes deux mains vaines
































samedi 19 août 2017

aphorisme de comptoir de binerie



"Accept the fact that some days you are the pigeon and some days you are the statue."









vendredi 18 août 2017

(c'est l'fun les sonnets)




au grand déraillement on déchiffre les vagues
l'écume épileptique des terreurs marines
le salin fretin d'une lépreuse narine
humecte la poupe les sirènes divaguent

le mat du radeau scinde l'horizon l'hypnose
radieuse l'or d'un néant déguisé détonne
les regards se blessent sur la mer monotone
et ils se noient tous en une vibrante osmose

dans la nuit l'eau verte souffle un vent acéré
sur les souvenirs cannibales sidérés
se nourrissant de chair plutôt que de sextant

quand l'errance la folie revêt plusieurs formes
déroutes borgnes et coites des astres existants
sereins les egos s'égarent en noyades et normes
























jeudi 17 août 2017





les pierres du soleil auréolé d'Orient
jadis ramenèrent les éclipses égarées
les vestales aveugles de prières amarrées
transpercent les paupières d'un chant luxuriant

augures confus et dithyrambe païen
au berceau des symboles ont exposé les lieux
où le silence le seul signe des dieux
chante la bacchanale d'un corps mitoyen

ivre la valse étranglée des amants profanes
larmes et sueurs suspendus aux cils diaphanes
ils se sont retrouvés dans l'abandon des fauves

faisant fi des devins des auspices et du temps
leurs chevelures empêtrées dans le matin mauve
étendent encore l'éternité de l'instant



















mercredi 16 août 2017

haïcul






et son orgasme était
tellement puissant
qu'elle a saigné du nez



























mardi 15 août 2017

délire en décasyllabes


d'un coeur résineux les rythmes hérétiques
cadencent la marche d'un jour plus vieux
le tambour d'un requiem archaïque
la conduit aux inévitables aveux

nous avons enfoncé nos sexes dans
l'éternité noire d'une nuit douce
l'équation multicolore du vent
sur nos corps suant et mouillés de mousse

tous nos nus exténués de tendresse
les doloires enflammés de nos étreintes
brasiers infirmes de pures caresses
les promesses de nos nobles absinthes

fendre l'écorce d'un arbre serein
tout mon espoir adopté à tes vices
nos échecs et errances sans lent demain
l'épave de nos naufrages complices

des yeux inconnus assoient sur ma page
les églogues affamés des premiers jours
voir dans le prisme glorieux du langage
toutes les variables inouïes d'un détour

le jade joyaux sublime dès l'or
et ta perte en l'escalier aboli
nimbée d'étoiles la poussière dort
gracieuse nymphe des plaines accomplies

la torche funéraire d'une ombre fine
permets-moi de mourir un tant soit peu
tes égarements de panthère opaline
à l'orée éphémère de tes yeux























samedi 12 août 2017

immense




After long silence 

Speech after long silence ; it is right,
All other lovers being estranged or dead,
Unfriendly lamplight hid under its shade,
The curtains drawn upon unfriendly night,
That we descant and yet again descant
Upon the supreme theme of Art and Song :
Bodily decrepitude is wisdom ; young 
We loved each others and were ignorant.

                                                             - William Butler Yeats



















jeudi 10 août 2017

écrits épars, écris et pars


En faisant la file au Archambault, un présentoir avec le livre d'un jeune comptable dans le vent(!), un brin moralisateur : "En as-tu vraiment besoin?" Quel bizarre placement de produit. Dans ma main, les Poésies de Mallarmé, mets-en que j'en ai besoin!

O, reason not the need! Our basest beggars
Are in the poorest thing superfluous. 
Allow not nature more than nature needs, 
Man's life is cheap as beast's.
                                                               - King Lear, II, II

L'humain s'entoure de superflu, c'est ce qui le distingue de la bête.

*

La musique est une vibration du vide, de l'air déplacé, une force de l'invisible.

*

Au bar un jeune homme me fait signe : "Scuse, t'es-tu en train de lire Gaston Miron?" Je lui montre le bouquin : Glenn Gould piano solo, de Michel Schneider. "Mais ça peut se ressembler à quelque part, que je lui réponds, ce sont deux chercheurs d'Absolu."


*

défait des idées
je me soumets aux sens
ils forment des images

*

Joyce a commencé
son histoire du monde
en brouillons d'un baiser

*

quatre dimensions
le passé le présent
le futur et l'absence

*

"En poésie, chaque mot est une page." - Éric Bourbonnais

*

Une fille d'Edmonton avec un français cassé craquant. Une artiste qui fait des dessins abstraits tellement magnifiques qu'on pourrait s'y perdre ou s'y trouver, c'est selon. Sur son poignet un tatouage, que Walt aurait sûrement approuvé : We are infinite. J'en doute pas une seconde en ce qui la concerne.

*

"L'invention de Glenn Gould, ce qu'il me dit? Que l'art n'est qu'un souvenir que Dieu aurait laissé avant de s'en aller."  

                                        - Michel Schneider, Glenn Gould piano solo

*

Son départ un peu comme un écho qui dure... un peu comme une fugue continue...















mardi 8 août 2017



Une nuit fragmentée d'aciers bleus. D'errances en érosions, entre le frisson et la foudre, des peaux mortes vivent encore sous les ongles. Un peu de ciel pur caché dans ses yeux, là, juste en arrière d'où ça se trouble. Nous sommes les prémices d'un avenir encore incertain. Que des traces de pieds nus, des ornements dans le sable que la mer efface. Que des élans et des transports, les spasmes d'échos déchaînés d'un Éros hurlant dans les canons conjugués, dans un lit aux mille parfums nus, un pour chaque geste dans les entrelacs fulgurants des symbioses. Au plus profond de la solitude de l'encre, vouloir à même les ténèbres la beauté. 
















lundi 7 août 2017




Totalise, Walt, totalise...


The weakest and shallowest is deathless with me,
What I do and say the same waits for them,
Every thought that flounders in me the same flounders in
       them.

I know perfectly well my own egotism,
And know my omniverous words, and cannot say any less,
And would fetch you whoever you are flush with myself.


                                                                    - Walt Whitman












Les nuages comme des grosses faces rocheuses dénuées de mystère ce matin. L'aube est froide et légère. Exhalaisons et souffles se transforment en vapeur ; la respiration se condense en poussière de pluie. Très tranquille il est mon arbre ce matin, trop fatigué d'avoir dansé toute la journée hier. C'est qu'il a venté pour quasiment un an, dans ses feuilles et ses ramures, ça rugissait ferme et fort, ça a démasqué le fauve invisible maître en ses cimes. L'été s'achève, les nuits en témoignent. Ne regretterai de l'été que d'être resté sur une île trop grosse. Suis en manque d'océan ces temps-ci. Même si je me tape des marées et des vagues, leurs va-et-vient imprévisibles et capricieux, je reste en manque d'océan, de ce qui se cache sous le fil de l'eau. Chaos et inconnus encore et toujours. Quand ce que l'on sait ne suffit plus... 

Je devrais me remettre au travail, mais je procrastine. Je devrais arrêter de procrastiner... Oui c'est ça qui faut, c'est décidé! J'arrête de procrastiner et je commence ça... demain. 












samedi 5 août 2017

Francis, mon ami mon frère
mon âme-frère
hier on n'a pas changé le monde
on l'a fait
l'ivresse comme l'infini déployé
un tapis sur lequel coucher l'âme et le coeur
sur lequel étendre nos vies
on a fendu le marbre des doutes
je reste à cause de toi
une amitié de diamant
mille mercis, tu me comprends
(ses cheveux sur le
plancher de la chambre éteignent
la poussière, la cristallisent
ses cheveux comme un compliment fait au vent)
mille mercis, t'entends!?
on va l'faire notre road trip
aller au bout de nous-mêmes
aller au bout de la poésie
qui n'a pas à rougir de nous
la vie est d'hommage
j'brauille comme Ti-Jean à matin
d'être encore en vie
d'être encore vivant
grâce à toi










mercredi 2 août 2017

haïkus épars au parc


au Parc La Fontaine
des papillons virevoltent
comme flocons d'été
     _____

à même l'écorce
des amoureux inconnus
ont gravé leurs noms
     _____

tout le poivre blond
grisant de sa chevelure
étendu au sol
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nous n'avons rien fait
sinon humer nos odeurs
de thé et de scotch
     _____

coquine coquine
je te boirais à la paille
si j'en avais une
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il faut remplir l'encre
en explosion de trous blancs
l'espace et le temps
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un bref abandon
dans le velours nocturne et
souple de nos corps
     _____

étreintes possibles
mes mains pleines de ta peau
laissent passer le temps

mardi 1 août 2017






Partout autour somnolent les ruines de demain. Le vent souffle sous les arches et dans les alcôves ; un parfum sauvage de pierres, des échos à prévoir. Sous la chaleur lourde, les corps exsudent de nouveaux désirs. Bruissements des baisers absents. La morsure d'un ciel ocre. Et tout s'arrête. Inerte. Faire confiance à l'entropie du silence...