jeudi 16 novembre 2023

 

Café tiède dans mon Thermos, un léger goût de métal. Mes étudiants font leur examen, à livres ouverts, je suis las de surveiller quiconque essaiera de tricher. Dehors novembre. La cime des arbres découpe le ciel, couleurs d’automne sur fond bleu. Je ferme les yeux - allez-y, trichez si vous l’osez! - et m’imagine le bruit des feuilles mortes craquant sous les pas, je sais que le plaisir de cette sensation me durera longtemps. Plus loin à l’est, des manifestants pro-palestiniens bloquent le pont Jacques-Cartier, je n’ose imaginer leur souffrance et écrire à ce sujet me semble d’une futilité sans nom. Les tremblements terrifiants d’une déchirure. Quand nos réalités s’entrechoquent, on prend notre part de coups, au sens propre comme figuré. Les métaphores ont aussi leur violence. Imaginer Gaza assombrit mes pensées et l’être humain m’écœure. L’Histoire continue de perdre pied sous le poids de l’horreur… Une étudiante vient me tirer de ma réflexion et me pose une question. Une autre question inutile comme elle m’en pose depuis le début de la session. Son anxiété de performance est maladive, peut-être même pathologique, et, pour elle, tous les moyens sont bons pour avoir la meilleure note : mentir (à répétition), la fraude (ChatGPT), le chantage quant à sa cote R, les messages répétés pour avoir les questions à l’avance sinon les réponses aux questions, etc. Elle veut faire médecine, j’avoue ne pas comprendre. Il m’est arrivé plusieurs événements cet automne qui ont fait de ma session une des plus difficiles de ma carrière et qui mériteront que je m’y attarde davantage prochainement. Oser élaborer quelques études de cas. Mon regard balaie la classe - peut-être aurai-je réussi à faire une différence pour certains, peut-être - et retourne se perdre sur la cime des arbres du parc Angrignon. Le bleu du ciel pâlit. Dehors novembre, mais ce sont les Cowboys qui jouent dans ma tête. Resteront leurs chansons. Mon Thermos est vide, l’amertume du café m’apaise, au moins pour un temps.