mardi 26 juin 2012

ailleurs

Des mains ont déchiré l'éther d'une aube orgrisée. Se taillader à plier les lames du temps pour découvrir où se terrent les dimensions siamoises. Arrachés, les parallèles se frôlent le long délétère des mots.

mercredi 20 juin 2012

Temps des fours

balcon bruyant sur St-Denis
(ils appellent ça chaleur accablante)
cherchant une poésie possédant
l'élégance de la soie.

samedi 16 juin 2012

Le jour de Bloom

   Sur les balcons donnant sur la place publique, les fleurs remplissant les boîtes à fleurs virent, avant tout le monde, fleurir le jour dans toute sa splendide aurore. Gourmandes, elles burent les gros rayons lumineux jusqu'à s'enivrer de couleurs et c'est en bleu, rouge, rose, jaune, orange, violet et blanc que naquit le prisme du jour. En bas, les commerçants du marché s'affairèrent.
   Un peu plus tard, un homme plutôt ventru du nom de Léonard Larose, après s'être levé, avoir bu un verre d'eau, avoir pissé, s'être douché, rasé, pommadé et habillé, sortit de chez lui pour aller chercher un café noir goudron et des croissants bien chauds. Le fumet du boulanger était irrésistible, les croissants doraient au soleil, le café torréfiait, et Larose, toutes narines flattées, ne perdit pas de temps à s'attabler au bistrot, journal en main avec deux croissants au beurre, de la marmelade de pêche et un café très fort. Dans le journal, les nouvelles n'étaient guerreluisante :
   "Les autorités répètent sans cesse les mêmes idées froides, ils envahissent la Perspective!" Un peu plus bas : "Cynismes en rabais au Marché public! En rupture de stock de poésie, trois pour un sur le mépris!" Ou encore plus loin : "Une autre manifestation tourne mal parce que les manifestants sans itinéraire tournent en rond." Dans la section voxpop : "Certains étaient nus et masqués, c'est le chaos!" - G. Couture, 64 ans.
   Se questionnant sur la pertinence des tels titres, Leonard lâcha son journal pour porter toute son attention sur ses croissants et la marmelade de pêche.
   À la table à côté, il y a avait trois hommes qui venaient d'arriver. Bien sapé, enfoulardé de rouge, arborant carré jaune sur veston bleu marin le premier déclama, rouge gorge : "Tout est question d'une transubstantification des valeurs néants de notre société pronihiliste. Évidemment les surpenseurs de notre époque obtuse ont garanti qu'à travers l'assimilation des absconsités postcontemporaines, ou préfutures si vous préférez, nous pourrions redéfinir un langage de nous seuls compris qui permettrait d'établir une fois pour toute que l'intellect se mesure en réflexions aiguës, en mots bien tournés et non en sentiments creux de bas étage, de bas étage dis-je de sous-d'sous-sol! Ha ha ha! L'évolution de notre société se fera dans un néobarbarisme désensibilisé et transcendé, au diable les soucis relativistes, donc veuillez bien délaisser votre poésie de pacotille et utiliser un langage approprié : le moins vous serez compris, le plus d'intelligence vous pourrez vous octroyer! Car après tout, la plèbe reste la plèbe et il est de notre devoir de nous élever au-dessus d'elle et, si possible, en prenant notre élan sur leur dos bien accroupi! Ha ha ha! Et tant et aussi longtemps que le peuple se bornera à ne pas se subconscientiser en se pliant aux tangentes fixes du paradigme pragmatique, leur incompréhension de l'herméneutique postépistémologique ne sera que l'extension du résultat de l'hermétisme de leur pensée. Me réduire à leur échec non seulement me rendrait coupable de laxisme égotiste mais également me plongerait dans la plus inextinguible aporie. N'est-ce pas?"
   Les deux personnes acquiescèrent sans trop avoir compris. Le deuxième pensa : "Aporie, c'est quoi une aporie? On dirait une sorte de champignon. Oh, j'ai encore faim." Distrait, le troisième essuya la salive naissante aux commissures de sa bouche, salive due au céleste cul d'une passante qui eut décidé, choix judicieux, de relacer sa chaussure au moment même, à deux pas en avant, dévoilant à qui voulait bien voir une corolle de courbes. Elle avait des formes d'une rondeur qui juraient merveilleusement avec la tirade carrée qu'il venait de subir. Il observa et imagina à ce fessier une douceur de pèche et un petit duvet divin qui frémirait sous les caresses dodelinodantes de ses mains baladeuses. L'épiphanie fut de courte durée et la damoiselle repartit, ne laissant dans la pensée du troisième homme que le sillage de ses formes et dans ses caleçons, la naissance flasque d'une érection. "Vous disiez? dit-il.
   Léonard Larose avait terminé ses croissants et buvait son café à petites gorgées. Il regarda autour de lui. La terrasse du café était maintenant pleine, les commerçants avaient déployé leurs étals de nourritures multicolores. Les passants affluaient, saluant tout le monde, faisant leurs courses pour la journée. Ils voulaient sans doute en finir avec les courses pour pouvoir profiter de ce jour qui s'annonçait radieux. Et de toute façon, le Marché se remplissait horriblement en après-midi, le stress de la semaine empiétant sur la fin de semaine, empêchant ainsi toute forme de détente contemplative. Pendant ce temps, le rouge gorge avait monté le ton et continuait, avec son lexique bien à lui, de vilipendre les uns pour ensuite se justifier soi. Étrange personnage, pensa Léonard.
   Sans peur, sans doute, sans certitude, à mi-chemin du présent passe le fleuve instable et incessant des heures. Se refuser à suivre, les pieds trop gros dans les traces, il est dans son spasme radical noyé de colère. Époque en surface où sont célébrés les abrutis et l'opinioniaise des opinioneux. Le terreau riche d'un terroir abandonné par les pensées incendies d'une langue agonie. O cristaléclispe superposition de l'orange et du vert, des feux de forêt en l'âme, on chante l'ode yeux des micelles solaires. Le décor ouvert troplein des filtres du jour, horizonlointain filant rayons d'ébène blanc. Remettre les attentes à plus tard à temps.
   Léonard reçut un message texte sur son cellulaire : Le plan tient toujours? Vite, on n'a pas toute la journée! En regardant machinalement sa montre, il vit la date d'aujourd'hui, le 16 juin. Il répondit : Oui, je suis toujours partant et, au contraire, aujourd'hui, nous avons toute la journée! 

jeudi 7 juin 2012

Ce rien venu de nulle part

L'état d'être déserté des formes. Le spectre plat, atone. L'innommable représentation sienne. Cette impression du néant en surface. Les antennes du jour ont frôlé la pellicule, le vent sur l'eau, la danse d'une libellule, une main sur la peau.  Ce poids du coeur qui manque pour y plonger. Rien. Le désordre des plans, la division nulle des dimensions vaines.

"Celui qui veut nager dans l'océan de vérité, doit se réduire à zéro."  
- Indira Gandhi

vendredi 1 juin 2012

Tout est illuminé

La liberté

   Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule.    
   Elle passa les grèves machinales; elle passa les cimes éventrées.    
   Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau.     
   Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s'inscrivit mon souffle.    
   D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche. 
- René Char  

Fixation abstraite

Point de naissance. La violence de l'origine d'une abstraction fixe. Sensible à l'appel des déchirures, j'ai vu une image se décanter dans le puits du monde. L'affaiblissement du phosphène, la mortalité de l'illusion, ce trou noir comme le scotome, l'hypnosmose des irréalités. Une infinie dimension. Le long de l'espacetemps parallèle des corps se collapsent et se constellent en éclats de chrome les souvenirs et les désirs. Les radicaux excès multiformes des sens distillés en le parfum du divin pistil des métamorphoses. Impudence isolée. Révélation dans le voile d'une apparence. Ton être en écho, ce fixe flou.