samedi 26 décembre 2020























Je deviens de plus en plus attentif à mes petits rituels. Quand je me réveille, les yeux encore poussiéreux de sommeil ou d'insomnie - c'est selon, et imprévisible -, je m'installe lentement dans le matin et, si lors des derniers mois, j'ai répété les mêmes gestes de façon machinale, j'y suis plus sensible ces derniers jours. Il est facile de penser que les répétitions routinières des derniers mois aient pu mettre un peu d'ordre dans le chaos pandémique mais, maintenant que la session est terminée, un sentiment d'étrangeté auréole tous ces gestes. J'ai troqué les nouvelles du matin pour un regard dénué de cible à travers la fenêtre de mon salon et plutôt que de simplement laisser entrer la lumière dans mon appartement, je vais la chercher des yeux. En fait, mes yeux n'arrêtent plus de chercher la lumière (moi qui aime pourtant tant la nuit) et quand ils la trouvent, ils la creusent et s'en nourrissent. Le soleil se lève dans mon angle mort, à gauche vers la fleuve, et bâille sa lumière le long de ma rue. Ce matin, à droite, se soulèvent des nuages qui semblent impitoyables dans leur avancée. Je ne me lasserai jamais du spectacle du ciel. Après avoir systématiquement ouvert mon ordinateur à chaque matin des derniers mois pour prendre mes courriels, cela fait six jours que je ne l'ouvre plus, car je n'en ai plus besoin. Ça ne durera qu'un temps. Ou peut-être que non. Après avoir choisi une musique pour ouvrir le jour et m'être fait un café pour m'ouvrir les synapses, je m'assois dans mon mutisme, la musique entre en moi et sème ses mystères, et le moulin à pensées part sur une chire. C'est qu'il vente fort dans ma tête. Avant l'embardée, je ramène mon attention sur la musique, je cherche les thèmes et le calme revient; les vannes ont lâché un instant, mais ça s'est stabilisé. Le temps suit son cours et moi aussi. Tout est dialogue entre perception et réflexion, entre l'image et la phrase. Je peux maintenant regarder le monde séparément du besoin que j'en ai et m'oublier lentement. Je construis mes rituels - parfois maladroits, souvent ridicules -, mais la précision des actions leur donne un sens. Avant de continuer d'écrire ce qui n'aboutira pas, je vais aller longer le fleuve comme à chaque jour - nos rivières manquent de mythes -, retravailler mes esquisses et livrer mes absurdes combats sans issue. Pourtant, je sais ce que je fais. 
Et vice versa.