lundi 17 avril 2023

Haïkus de printemps

 


ce que le jour offre 
à mon regard défait les 
fils de l’éphémère  

*

le printemps s’éveille
des écureuils se pourchassent 
dans l’élan du rut

*

quand l’instant contient
juste un peu d’éternité 
l’attention s’évade

*

le chant des oiseaux 
dans les branches de l’érable 
qui reprend ses forces

*

un avion dans le ciel 
amène le crépuscule 
le soleil s’endort

*

un faucon aux aguets 
au sommet d’une épinette 
soudain le silence
























mardi 4 avril 2023

perspective

 


La lampe est dans mon angle mort, donc mes yeux écrivent dans l'ombre de ma main. J'ai trop corrigé, ce répit de lumière me fait du bien. Trop de feuilles blanches ont défilé, la fibre du papier triturée par les encres noire et rouge, la pulpe a saigné, les oscillations ont vacillé et mes yeux ont défailli. Il y en a eu des charniers, de petits champs où l'ignorance s'est indifférée à tuer notre langue vivante. Ces moments où l'écriture devient l'instrument de mesure d'une possible idée un peu plus vraie parce que bien formulée, mais non. Leurs pensées se désarticulent, et plusieurs d'entre eux écrivent comme des pantins inconscients des fils et encore plus de qui les tire. J'ai trop corrigé, mais j'écris encore, j'ai des idées à construire. 

Je suis immobile dans l'espace stérile, mais mon esprit est ailleurs, en maints lieux en mêmes temps. Nos idées et nos actions sont des langages différents - nos idées se déploient dans la durée; nos actions, dans l'espace - et chacune a sa formule, une arborescence qui la détermine et remonte plus loin que la mémoire. Une des origines de notre existence est la conjonction d'une idée et d'une action qui n'auraient jamais eu d'impact si ce n'était de leur rencontre. 

Sous les illusions dansantes des idées, les mots que j'écris dessinent des arcanes et des énigmes d'où je ne tire aucune réponse. La création du sens est rendue facultative quand on sait qu'il prend naissance - ou pas - dans les réverbérations et l'écho d'une lecture attentive, et dans le champ fertile du regard curieux et sensible du lecteur. Il faut faire du texte le terrain neutre aux légers reliefs d'où émergera le sens selon qui le cultive puisque, de toute façon, il n'y a de sens que celui que nous créons. 

Mes abstractions m'étourdissent, mes errances et mes fuites me déroutent plus que jamais, mais ces étranges pulsions me remplissent de vie. Je ne fermerai pas les yeux devant l'horizon du possible. De prime abord, j'ai peur de ne faire aucun sens mais, après réflexions, puisque rien n'en a, à quoi bon ne rien faire? Pourquoi s'empêcher de façonner à pleines mains la tendre argile du verbe? La création est cette union de l'idée et l'action, un noeud sur lequel se reposer et prendre son temps, un accord dans le maillage infini de la nature, la naissance d'un élan au trajet inconnu; elle s'oppose à la destruction, et c'est peut-être ça le plus important.