jeudi 7 décembre 2023


Las de démêler les amalgames qui se tressent et se détressent en moi ; épuiser de me perdre dans les flux et reflux des nébuleuses erratiques de ma conscience, j’essaie de m’oublier, de me fuir en regardant le monde. Expérience impossible puisque c’est en moi qu’il vit. Ce vers de Rilke : « Ô moi qui veut croître / je regarde au dehors et c’est en moi que l’arbre croît. » Combien de milliers de mots j’ai crachés sur les pages pour tâcher d’harmoniser le chaos? Mais dans mes fouilles, les sédiments s’entremêlent et je me perds dans les strates intérieures de l’être. Jusqu’où peut descendre l’introspection? J’ai l’impression de détailler de loin, en plissant mes yeux troubles, les braises d’un feu ardent. Je m’en retourne vers le monde, mais n’y voit qu’un chaos que je comprends encore moins (faut le faire!). Puis je m’attarde sur les arbres enneigés dehors. Un énorme chêne plie ses branches lourdes d’une neige endormie depuis qu’elle est tombée. J’ignore si ce chêne croît en moi, mais je sens s’installer entre nos deux présences une harmonie. Un calme que l’hiver appuie. Au loin, je sais que le monde gronde. La rumeur me le rappelle, les jours passés et à venir aussi. Les bottes martèlent leur mécontentent devant l’hypocrisie de dirigeants corrompus par le pouvoir et l’argent, devant un gouvernement d’une redoutable mauvaise foi. Le tissu social contre un tissu de mensonges. Je trouverai peut-être dans les désordres conjoints un peu d’harmonie. Sinon, je repenserai au calme émanant des arbres recouverts de neige endormie. Certaines branches touchent presque le sol. Les prochains jours seront froids, mais ceux qui marcheront ne plieront pas.