lundi 14 octobre 2019























un matin d'aurore feutrée le long de l'aqueduc sur un grand terrain vague des outardes en troupeau ou en harde s'engraissaient de gras gazon avant d'éventuellement décrisser en criant pour l'hiver mais ce matin-là c'était dans la brume qu'elles mangeaient ce gras gazon plein de rosée chargée de nuages et je filais plus lentement soudain dans l'air frais du matin les doigts gelés d'hiver à venir le soleil se levait au sud au-dessus du fleuve et déversait sa lumière qui s'effilait comme toile d'araignée immense d'une lumière neigeuse un châle enchevêtré de fibres évanescentes le matin clignait des yeux et ses évanescents cils frottaient toute l'étendue du gras gazon où piaillaient en silence les grosses outardes d'automne pendant que moi je filais invisible le long de tous les fils la fibre animée d'un puissant désir d'automne avec dans ma tête la promesse d'un grand jour et dans mon coeur l'octobre précis et superbe de ses yeux sombres

c'est dans l'amas du soir que renaît ce souvenir récent parce que finalement l'aube était belle mais le jour est tombé si vite la semaine est passée si vite les derniers mois aussi le temps s'envole et vole sans cesse dans les deux sens du mot c'en est rendu une joke mais le silence a assez fait son travail et l'encre séchée depuis trop longtemps a besoin de lumière maintenant les gros blancs inondant les murs commencent à s'assombrir de nouvelles ratures dans l'intervalle de tension entre la lumière et le fracas une apparition arrive et puis s'en va et peut-être que cette fois j'aurai le temps de m'y souscrire pendant que la mousse sèche sur le verre comme le givre à venir pendant que les amers s'étendent comme des gouttes de mercure roux sur la langue qui n'en finissent plus de durer ce goût herbacé des absinthes d'automne béni ces fées vertes d'aulne rouillé ces parfums de feuilles d'herbe ah cette grasse multitude de l'immense Walt qui me fait de l'oeil à chaque fois à chaque contradiction tout ce vert auréolé des cendres séchées du spectre des couleurs du feu et maintenant attendre la finale une mercuriale attente le blanc révèle désormais des ombres vertes et grises elles s'étirent à l'opposé de ma lampe en griffes flous araignées aux pattes velues et piquantes sur la peau fragile des soirs froids que la langue de l'eau-de-vie réchauffe les lèvres closes et scellent les langages secrets la prose est presqu'empoisonnée elle convulse et triture toute la poésie du silence ébats éparpillés dans la braise des doigts embrassés des corps brûlant les atomes et toujours ce frisson dans la pièce quand elle la traverse et toujours tremblent les émotions liquides sur les nouveaux corps rouges de dieux timides qui regardent, jaloux, les amants amoureux dans l'ébène et l'ivoire de tous les possibles



























































jeudi 20 juin 2019




Au milieu d'une nuit bien tombée bien profond, leurs corps se reposaient en silence, repus d'amour, dans le confort d'une satiété rare. Ils étaient couchés en lézards entrelacés aussi nus que la nuit, à l'abandon, et seuls pulsaient leurs deux souffles fondus l'un en l'autre dans une harmonie précieuse.  La lune lançait un halo continu qui se déplaçait lentement sur eux et dessinait ombres et reliefs sur cette tresse de chair. Des doigts aux jambes, courbes et membres épousés, ils continuaient de se trouver, inlassablement, dans leurs regards et ressentaient et vivaient ce privilège comme le feraient les deux seuls survivants d'un naufrage commun. Ils formaient une île, isolés de tout. Après un temps, la pluie vint à naître. Une pluie sans vent dont la vague montait en tombant, remplissant d'une myriade bruyante de clapotements, comme une nuée d'insectes d'eau, un silence jusque-là inviolé. Dans l'attente passive du sommeil, leurs doigts dansaient sur leurs peaux au rythme lent de l'averse, ébène blanc des ongles sur les corps polis par des restants de lune, et lentement ils s'abandonnaient davantage. Quand le sommeil vint par arriver, toute sueur séchée, ils étaient fatigués d'avoir vécu un si beau jour, exténués de la plus belle façon, dans une franchise totale, la plus belle qui soit.





















jeudi 4 avril 2019

petite épiphanie




Je marche sous un ciel encore gris lourd de nuages sombres. Un temps insatiable. L'or d'un jour indifférent. L'horizon au loin fond dans mon regard assoiffé. Lorsque vivre est un désir constant. Je m'entête. Je suis absolument seul, aucun passant, juste des voitures qui filent à toute vitesse à ma droite comme à ma gauche - je me contente avec plaisir du centre - comme si tout le monde avait peur de la pluie. Ou pas le temps de la sentir tomber, toujours trop pressés. Mais je ne les entends pas. J'avance, patient. Que mes bottes claquant dans les flaques. L'hiver s'accroche et des effluves lourdes odorent, le soleil invisible et lointain ronfle doucement et expire sonores les parfums à venir. L'asphalte mouillée, le goudron humide, la tourbe retournée par le dégel, bouette brune et glacée. Puis cette sensation d'effacer un peu de passé à chaque pas. Tout est passage. Le silence prend sa place et son espace. Après, des bruits de pas dans la neige mouillée. Le fracas clair de la glace fendue au loin sur l'aqueduc. Je le longe sur des kilomètres depuis quelques mois déjà, moments si sereins ainsi bercé entre les berges, le retour du printemps fera bientôt tout déborder. Je n'entends plus le bruit des rumeurs et m'en porte infiniment mieux. Je marche dans le silence de mes pensées. Cette orée nocturne juste avant le sommeil et le rêve, ce refuge des fous. Comme des atomes délicats qui sédimentent et disent vrai. Des poussières précieuses dans le relief du flou, fumée de la cendre, parfum de cèdre inouï, d'encens. Je marche par-delà le temps qui n'est terre brûlée. Que des passages. L'éternité défile au compte-gouttes à chaque pas...

Je me fous de la fin du monde car tout est dans tes grands yeux, tout le monde s'y constelle et je sais maintenant que l'infini existe, je vénère tous les naufrages qui m'ont amené à toi. Je sais maintenant que tous les mots ont plusieurs visages, que chaque phrase est un dé à plusieurs faces. Il suffit de trouver le bon angle jusqu'à ce que le poème naisse et s'obstine

la mémoire précise de nos corps
les eaux vives dénuées de troubles
de nos courbes épousées dans le secret
il n'y a que toi jusqu'où la vue se perd
au solstice des distances s'ouvre enfin l'univers




































mardi 19 mars 2019







je suis dans l'embrasure de la vie ouverte
toutes les anciennes pensées emmurées
             se referment

dépouilles encore tièdes face contreterre
dans la fange asséchée lit de poussières
             froides étouffées

le jour se relève et souffle
du bout des lèvres
             les murmures du brasier













jeudi 14 mars 2019

Hasard objectifs - édition session d'hiver 2019


Petit atelier de création surréaliste fait en classe. Le principe est simple: la moitié des étudiants trouve une question, l'autre moitié trouve une réponse ; on mélange le tout puis on pige. Cette session, j'en n'ai bisbâiller qu'une seule. Voici les perles que ça peut donner. Je ne change absolument rien (d'où les erreurs d'accord en début de phrase parfois) ni pronoms ni déterminants, je n'invente absolument rien non plus (d'où certaines répétitions) et je les transcris dans l'ordre où je les ai pigés. 

C'est quoi le paradis?
          C'est pour cela que la vie en elle-même n'est faite que de coïncidences.
C'est quoi la mort? 
          C'est le son des vagues qui glissent sur le sable.
C'est quoi la vie? 
          C'est la lumière qu'on voit dans un tunnel noir.
C'est quoi la beauté? 
          C'est une coupe Stanley à Montréal. (C'est drôle ça)
C'est quoi la mélancolie du bonheur?   
          C'est ce besoin d'apprendre à connaître les personnes si on ne se connait pas soi-même.
C'est quoi la laideur?
          C'est la malédiction musicale. (???)
C'est quoi la solitude?
          C'est la perte de l'âme envieuse.
C'est quoi le sentiment du bonheur?
          C'est le vent qui chante entre les branches des arbres d'une forêt inconnue.
C'est quoi le devoir?
          C'est les petites choses qui comptent le plus.
C'est quoi l'univers?
          C'est le frisson qui me parcourt tout le corps.
C'est quoi le monde souterrain?
          C'est le rouge du sang et des roses.
C'est quoi la mort inévitable?
          C'est la raison qui pousse l'homme à laisser l'air passer dans ses poumons.
C'est quoi l'amour?
          C'est une femme charmante.