lundi 28 mars 2016


ce fut une autre nuit acide
je me suis réveillé les bras croisés
- fermeture du rêve -
octane alcalin dans la gorge
(regrets des combats
amertume d'une victoire vaniteuse)
l'insomnie s'obstine
la névrose expulse les intrus
et règne en reine désormais
dans son empire de poussières inachevées

j'enterre les échos
l'indifférence déferle
et j'écoute le calme de l'avalanche à naître


mercredi 23 mars 2016

verbatim abscons

Une cascade, que dis-je une avalanche (quel mot superbe). Toi seule qui caresse le génie du vent. Mêmes images. Énergie débordante. Moulures des murs en décrépitude. Me suis laissé emporté tout à l'heure à quelques transports. L'aile de papillon est une minuscule mèche de cheveux bleus. Ondes ourlées de paraboles sublimes qui tracent la périphérie de l'infini à toi. (Les portes sont entrebâillées. Nudité des esquisses, des dessins dans l'ambiance. Les regards tissent l'air, le voile imparfait de la toile du monde où s'organiser des ratures dégoulinantes tentant d'or donner le chaos. Fièvres et enthousiasme) Coups de poing comme code morsure la table. Je clame et calme dans le liquide mes débordements. Prendre l'air.

((Revenus du dehors où un semblant de manif semble manifester. Mais ce n'est pas une manif, c'est une fête, que dis-je, une pastorale idiote où la révolte se résume donc se réduit à des bruits de tambour et des drapeaux, que dis-je, des fanions de la CSN que font danser des enfants. Des jouets pour enfants câlice. Ils sont bien faibles les coups et les voix supposés signifier l'indignation et ébranler le socle de notre société corrompue. Se complaire dans son misérabilisme et sa petitesse, voilà l'adage d'une mollesse pas revendicatrice pour deux cennes. Ce n'est pas une manif, c'est un rassemblement clôturé dans un parc comme bétail dans un enclos.) Un rêve éteint qui se sublime et transcende aucune lueur dans un jour qui ne veut pas mourir, dans un échec qui se refuse à se reconnaitre. La nuitte sera longue et plate. Ce sont les obstacles dont je parlais. Ridicules pavés d'un passage banalisé. Cette meute anodine se dissipera au premier gyrophare, à la première ondée de bruine crépusculaire, car il n'y règne aucun réel amour, aucun désir de liberté, aucune volonté de révolte. Cette indignation est obsolète.)

(Mais dans tous les angles offerts à ma vision de grand duc, la poésie apparaît et me rassure et change ma colère en verve. Cette parenthèse était nécessaire, Francis pourrait en témoigner. Savante asymétrie qui mérite étude et respect et dithyrambe. Les mathématiciens spécialistes des paraboles, des ellipses et des courbes ne doivent pas s'ennuyer, surtout si leurs réflexions s'attardent sur l'Harmonie aux teintes bleues sur argentées. (Le serveur, en regardant mon verre vide : - Est-ce que c'est fini? Mon verre ne peut pas être plus vide, c'est impossible. - Oui il l'est. - Ah ok scuse, j'ai eu une illusion d'optique. - Je te comprends, j'en ai depuis tantôt.))

La nuit est tombée sans que je l'aperçoive. Comme si elle avait manqué une marche. Foulure de la brunante. (Le rassemblement s'est éteint, éphémère comme l'illusion de ses convictions (parce que faut dormir hein). La révolte ne se fait pas en marchant sur place dans un parc réglementé : cette propension affreusement québécoise à embrasser les contraintes, cette peur viscérale de l'inconnu. La révolte ne dort pas, elle doit être constante, systématiquement tendue. Un arc bandé prêt à décocher ses puissances flèches.) (En parlant de Don Quichotte : Cervantes n'a pas écrit "fou", il a écrit "ingénieux". Tout est là! Capuchons ramenés sur nos têtes, nous sommes les antimoines, les anticopistes, nous sommes les scribes de l'anodin effervescent) ((Réplique lancée : C'est une invention c'te fille-là tabarnac! Tout haut : on demanderait un prix Nobel d'architecture ici s'il-vous-plaît! La chute de reins invite à la noyade. Pistils éclatants de son corsage fleuri mauve et rose, un lit de pétales sur son torse. Dryade de clairières enchantées.) Entre l'épiderme et le duvet fragile - et enlumine les muses - maladresse et frisson des chairs découvertes. Ici entre les deux peaux, le refuge du divin.) Un temps, mon soupir ressemble davantage à un râle. Écrire sur un corps une dissertation nouvelle. Que des siècles qui passent. Et les étamines du soir distillent pollen neigeux sur le tapis de nuit. (Temps qui passe, s'amoncellent les soupirs) Et me manquent les matins frêles, cette rosée fragile qui s'évanouit sur la naissance du jour.

mardi 22 mars 2016

Encore...

"C'est ainsi que tout doit se passer quand, un matin sur deux, on s'éveille après une nuit de cauchemars désastreux: on se retrouve dans le tombereau du vieux Bom' Câlice Doucette, en plein milieu de la rue Monselet, à courir vers la meute hurlante que a encerclé le tonneau d'un moine pauvre et solitaire, si exemplaire dans son dénuement qu'il est normal qu'on craigne de lui la courageuse folie. Qu'arriverait-il si tout Moréal-Mort se mettait à vivre pareillement à moi, dans la mortification quotidienne, la méditation totalisante et la lobotomie perpétuelle? Ce serait enfin le monde dans tout son envers, rien qu'une pluie de beauté sur toutes choses, et cette fraîcheur de l'air pour faire venir les oraisons sacrées. Rouler dans la rosée en guise d'ablutions saintes, fixer le soleil comme il faut dans les yeux pour que jamais plus la ténèbre ne revienne, pour que jamais plus ne nous tombe le ciel sur la tête, faisant apparaître la répétition et le recommencement, ce qui existe depuis l'origine des siècles, avec les même mouvements d'astres et les mêmes hommes pantelants et apeurés qui, leur boite à lunch à la main, se laissent manger les poumons dans la poussière et le bruit. Ce simple travail reconnue par moi, et qui a bouleversé les données mêmes de ma mort: abolir les changements passagers de conscience et faire connaître à tous qu'il n'y a pas de mystères, seulement l'événement magique par lequel se fonde la sainteté.
-Victor-Lévy Beaulieu, Satan Belhumeur

jeudi 17 mars 2016

Mardi. Escalier comme d'hab. Mais spleen amorphe. Manque d'énergie et de fulgurance. Complainte aiguë pleine de réverbérations venant de la radio. Cordes de cuivres pincées, anneaux de l'ouroboros, j'entends les vrilles immobiles de nos vouivres. Et chantent les relents mélodiques sublimés de la morosité. Pourtant. Je devrais être. Obstacles semés dans le chemin de la conscience à l'action. Je m'ennuie du monstre. Basse douce du feutre. La diable et la mort partout autour de moi. Sur la table à côté de La recherche, Satan m'attend avec sa belhumeur qui s'annonce délirante. Il est fou. Une chick à rasta passe. Yeux de phoque globuleux. Elle n'a même pas fait de vent. Je reviens à mon étude. Mon ami et moi ne parlons pas. Nos silences. S'installent et communiquent. Dans nos lectures et nos écritures nous nous retrouvons. Solidaires. Privilège. Notre plaisir est calme. Longue pause qui ne paraît pas. Le revoilà. Les phrases s'interrompent. Assumer les méandres des proses spontanées. Le rythme, le tempo, le jazz, le beat. Accumulation. Grippe. Fatigue. Correction. Préparation et dispenser ladite préparation. Ma calligraphie s'amenuise et. M'empêche de voir. Hiéroglyphiques pattes d'araignée. Poison indolore qui tache. Mais ne blesse pas. Magma serein et tranquille d'une éruption qui viendra. Tantôt. Pas aujourd'hui. Plus tard. (Transgresser l'ambiance par sa seule présence. Se tapir dans la faille - disparaître complètement - et attendre que se referment les sutures de granit). Il faut tenter la flamme. Risquer la brûlure. 

lundi 14 mars 2016

Fort

"Un système devient fou lorsqu'il ne veut incarner que le remède, que la protection, que le rempart schizoïde contre le réel, tel le fantasme psychotique de ne vivre que dans le ventre protégé des symboles. La psychose n'est pas, comme on l'entend souvent dire après Lacan, la faillite de l'accès au symbolique, c'est bien plutôt l'incapacité d'en sortir, de percer le placenta du langage pour naitre au monde, au réel, au vivant ; le psychotique n'est pas une bête asymbolique, il n'est qu'un homme, pourrait-on dire, il ne parvient pas à sortir de l'homme, des limites de la Cité, du symbolique (et de la symbiose), pour trouver ce pas au-delà, ce surhomme qui est sa fin et sa source, sa chance d'être au monde en tant qu'être inutile, singulier, échappant à tout discours, à toute représentation, à toute loi, à toute économie."

- Nicolas Lévesque, Le peuple et l'opium

mardi 8 mars 2016

Exercice de style - sonnet paillard

(Ok. C'est somme toute ironique que Francis m'ait proposé comme thème la liberté totale pour qu'en y réfléchissant, je décide de l'occulter pour essayer d'écrire un sonnet, une des formes de poème les plus contraignantes qui soient.)

Je renais dans ton haleine d'animal pur;
Mon désir lové dans les golfes de ton corps.
Quand tu possèdes la superbe du condor,
Je me soumets à l'audace de tes augures.

Sur ta peau précieuse je dessine l'azur.
Ta respiration lourde en un écho sonore;
Ton orgasme à venir que mon amour honore
Amplifie la fièvre, l'abandon, la luxure.

J'irai même jusqu'à protéger ta sueur,
Car elle nourrit la clepsydre de mes heures,
De mon temps qui s'horloge au gré de tes caprices.

Entre moi et ta peau des milliers de moments,
Et des prétextes à la peinture de mes vices;
Ton sexe, mon amour, est le temple du temps.

jeudi 3 mars 2016

esquisse - deuxième partie

De retour à L'Escalier. Notre rendez-vous du mardi est en train de devenir une tradition et c'est parfait comme ça. On s'était dit qu'on essaierait peut-être une autre place un moment donné, mais la faune est hétéroclite ici et se rejoignent assez d'espèces pour esquisser tout son soûl.

(J'omets deux pages de descriptions vraiment plates. 
                                     Mon carnet est une forêt de ratures)

C'est la tête lourde de six heures de correction que je m'efforce de poétiser l'instant. Banalités du quotidien, mais je l'assume, le tibia du songe pris jusqu'à l'os dans le piège. Images lentes, je suis en face d'un mur, la faune derrière moi, je ne me retourne pas. (saurai-je les attraper? me montrer suffisamment alerte?) --- une tempête déferlera cette nuit sur cette imitation d'hiver ; il semblerait que la météo ne se trompera pas cette fois ; je profite du temps en dehors de chez moi ; demain je serai cloîtré ; correction oblige ; encore --- friches d'une forêt de ratures.

Devant moi, la tapisserie est mosaïque d'iconographies moyenâgeuses où la mort est présente dans chaque image. Le trait est gros et grotesque, semble buriné à même le mur, la mort n'en est pas moins effrayante. Sur l'une d'elles, un homme à tête de bouc - le Will Shakespeare de VLB aux formidables cornes ! - étrangle une bourgeoise devant deux hommes indifférents et une mort ricaneuse. Carnaval macabre. On lit ici et là un peu d'allemand (la calligraphie gothique m'empêche de bien distinguer les lettres), on dirait les illustrations de l'Apocalypse d'une bible protestante.

(Anticiper la tempête. Ariel esprit des airs et de vie oeuvrant pour le grand Artificier - silence, exile, and cunning - Je nous donne dix minutes d'écriture furieuse ! Si je pouvais vomir toutes les formes que j'ai dans la tête, ordonner la tempête qui s'annonce dans le doux prélude jazz guitare-trombonne du duo qui vient de prendre le stage (fluides et maîtrisées improvisations, leur conscience communique en silence), créer l'instant avant que tout ne se perdre en futilité dans la paille éphémère des secondes, une tempête approche, elle est mieux d'en valoir la peine, Caliban esprit infâme des morts, nature sauvage soumise au grand mage, apprivoiser l'indomptable chez qui le spleen le plus lyrique passe - Ô nature et instinct ! Violence archaïque des pulsions bien primaires, de la pulsation des spasmes créateurs créature modelée par la nuit d'onyx tombant sur l'île dans le contrejour atroce de l'éclairage non tamisé du bar --- je ne regarde personne, pas de hipsteuse au charme retenu, ni de lys roux, qu'une ampoule trop forte qui pèse sur mes paupières lourdes de lumière, que des notes envoyées par le vent et les cordes - dialogue totalement cohérent - que ma tête qui me serre dans la précipitation des mots, dans une tempête d'idées sans commune mesure avec notre nature dénuée d'esprits - Ariel et Caliban, oxymore aux milliers de visages, mimiques polymorphes de l'imaginaire foisonnant du barde, harpie et bossu terrifiant de la psyché, la tempête c'est eux. 

Et quand tombera ce demi-mètre de neige ce soir, je ne pourrai dormir, car je rêverai trop à ce brave nouveau monde qui pourrait renaître du courroux vindicatif du blizzard avenir, je m'obstinerai à croire que la magie existe ailleurs que dans le cerveau de ceux qui y croient.)

Je ne détourne pas la tête.
Sur la table devant nous : Proust, Céline et Cervantes (namedroping assumé) dont je n'ai pas le temps de parler.
Winterreise - le voyage d'hiver - de Schubert qui m'attend, avec du Talisker 10 ans.
Mille images comateuses qui ne renaîtront pas tout de suite.

***

(Lendemain.
Lent demain.
Ce fut une tempête minable...)