mardi 22 mars 2016

Encore...

"C'est ainsi que tout doit se passer quand, un matin sur deux, on s'éveille après une nuit de cauchemars désastreux: on se retrouve dans le tombereau du vieux Bom' Câlice Doucette, en plein milieu de la rue Monselet, à courir vers la meute hurlante que a encerclé le tonneau d'un moine pauvre et solitaire, si exemplaire dans son dénuement qu'il est normal qu'on craigne de lui la courageuse folie. Qu'arriverait-il si tout Moréal-Mort se mettait à vivre pareillement à moi, dans la mortification quotidienne, la méditation totalisante et la lobotomie perpétuelle? Ce serait enfin le monde dans tout son envers, rien qu'une pluie de beauté sur toutes choses, et cette fraîcheur de l'air pour faire venir les oraisons sacrées. Rouler dans la rosée en guise d'ablutions saintes, fixer le soleil comme il faut dans les yeux pour que jamais plus la ténèbre ne revienne, pour que jamais plus ne nous tombe le ciel sur la tête, faisant apparaître la répétition et le recommencement, ce qui existe depuis l'origine des siècles, avec les même mouvements d'astres et les mêmes hommes pantelants et apeurés qui, leur boite à lunch à la main, se laissent manger les poumons dans la poussière et le bruit. Ce simple travail reconnue par moi, et qui a bouleversé les données mêmes de ma mort: abolir les changements passagers de conscience et faire connaître à tous qu'il n'y a pas de mystères, seulement l'événement magique par lequel se fonde la sainteté.
-Victor-Lévy Beaulieu, Satan Belhumeur

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