lundi 21 novembre 2022

 



Minuit dans son approche allonge les phrases de la lune. J'entends le verbe de la nature, ses temps et déclinaisons, un verbe impersonnel. Ma contemplation est perturbée par le relents du jour qui affluent pêle-mêle dans l'estuaire de mes songes. Au-dessus de ce bourbier trouble, l'appel éclaté du monde multiplie les éclairs, chaque décharge est brève et vive, mais l'onde de choc me pénètre jusqu'aux os. Des guerres indigestes dans le ventre de la tempête grondent là-bas, juste assez loin pour ne pas déranger; et nous nous endormons indélogeables de nos conforts. Je dors d'un oeil car mes rêves ont un goût amer. Désengagé dans un angle ou un autre, chacun de nous s'oppose. Nous vivons aux confins du prochain, au point le plus éloigné de centres inconnus. Nos orbites chaotiques n'ont rien de tracé, sinon affaissement et déclin. Nous sommes tous l'étranger de chacun, perdu dans l'élan effréné du monde. Je me défais du temps qui, comme un train sans conducteur, s'emballe à vitesse folle - à quand le déraillement? Il nous faut dompter notre rythme. Je ralentis et ressens le pouls du ciel, son étreinte souple et mystérieuse, son souffle intemporel.
















mercredi 2 novembre 2022

 




Comme une impression fugitive. Quand je me penche en moi, ce n'est point l'abîme qui me sourit, mais la luxuriance sauvage de ce que je défriche sans cesse. Ce n'est pas un hasard si, saoulé par le chaos de mes songes, je me tourne à ma fenêtre et m'apaise devant l'écho d'une nature plus forte. Savoir qu'elle nous survivra tous me rassure, et je ferme les yeux dans le soleil frais et tendre du matin. Je m'attèle à démêler la tourbière de mes pensées. Concentrer toutes réflexions si possible pour en arriver à une idée nouvelle, fruit des effluves épurés, d'un labeur qui ne me quitte plus. À l'éthique comme seule voie probable pour une meilleure vie se mélange la tentation de la solitude comme posture du lucide. Mais ce serait trop facile. L'aliénation de soi dans le corps social devient le contrepoids nécessaire à notre égoïsme fondamental. Tout est question d'équilibre. Chaque jour comme une corde raide et nous, funambules inconscients ou en mal de sommets, entre le vent imprévisible et le soleil frais et tendre.