vendredi 29 décembre 2017

Le long d'une route bordurée d'arbres


(Découvrir le poème. Comme si depuis la découverte de cette citation de Skacel, je le ressentais plus que je le créais, le sachant pas loin, dans cet endroit impalpable et imprécis juste derrière les façades ou terrer dans les failles, comme s'il n'y avait que la finesse d'un atome qui séparait l'existence des choses et leur révélation. Il n'en tient qu'à quoi désormais? À l'acuité du regard? À l'intuition et l'écoute des sens? Ou à cette subtilité d'éther qui dissimule ce qui cherche à naître? --- Par les temps qui courent - parce qu'il ne passe plus, le temps, il semble s'être hélas conformé à nous et n'a de cesse de courir désormais - le vers libre m'ennuie, comme s'il était l'avatar réduit (on dirait toujours qu'il faut qu'il soit court l'estie de vers libre) d'un simulacre de liberté, complètement illusoire. Ça va passer, ou courir, j'imagine. Mon esprit fonctionne en haïkus, en sonnets et en rimes idiotes (parce qu'à la fin de l'envoie, je touche); "la liberté dans la contrainte" m'a déjà dit une amie poète. Chercher la fissure, la trouver puis l'agrandir, la structurer en y soufflant des mots-succédanés de désirs et de beautés révélées... En attendant, la prose.)

L'hiver s'est installé. Ici, un jour de nuages assoupis ronflant de gros flocons; là, un soleil bien éveillé s'élançant sur la neige aveuglante. Les jours se suivent sans leur angoisse habituelle, le silence est moins lourd parce qu'habité par les images bienfaitrices d'un sourire bien précis. Les secondes sont plus lentes, plus souples. À l'aller, une tempête gronde dans le Parc des Laurentides. À la brunante, le blanc est devenu bleu. Agnes Obel échoue à calmer les pleurs de ma nièce de 21 mois, mais m'insuffle une patience d'or. Le long d'une route bordurée d'arbres, des kilomètres et des kilomètres de conifères enneigés. Les flocons scintillent comme des feux follets hivernaux dans les phares engouffrant la route et se fracassent dans le vent sur la tôle glacée et fumante de la voiture. Retour aux sources.

Trois jours plus tard, au retour, le froid glacial s'est amené sans être invité. La petite Rose a finalement fini par s'endormir. C'est à cause du Bach qui joue depuis que nous sommes partis j'en suis sûr. Quatre heures de suites anglaise et française et de partitas pour violon seul. Je m'amuse à croire que cette musique est une bénédiction pour cette enfant, qu'elle la calme; si ça peut faire ça pour nous, ça peut faire ça pour elle. Mis-à-part l'accident, des jours comme celui-ci semblent avoir été créés pour une musique comme celle-ci (et non l'inverse). Mon beau-frère conduit comme un irréductible planqué en son fief imprenable. Ma soeur peut finalement relaxer, pu obligée qu'elle est d'entretenir son dialogue de sourd avec sa petite aux besoins primaires, qui comprend pas assez encore. Elle est sur la banquette arrière, elle enlève ses bottes pour pouvoir changer de position et dépose ses pieds en pieds-de-bas sur l'accoudoir entre les sièges passager et conducteur, non sans préciser de ne pas s'inquiéter, que "ses pieds puent pas." Son caniche somnole sur ses cuisses depuis le début du trajet, la passagère exemplaire. On revient du Saguenay avec une trâlée de cadeaux, pis des produits du patelin natal : de la vraie tourtière, de l'orignal, des truites mouchetées et des bières. La valise du char en est pleine. Plus tôt sur la route, dans le Parc, on a croisé un carambolage monstre. Une dizaine de voitures facile, y'en avait qui étaient carrément tranchées en deux, les carcasses métalliques laissaient imaginer le pire, mais non, que des blessures mineures. On partait vingt minutes plus tard, on restait pogné au moins deux heures dans le Parc bloqué; avec la petite Rose pas capable de se tenir, ça aurait été l'enfer mais dans un frette glacial. On partait dix minutes plus tôt, c'était nous qui carambolions pis mon imagination veut pas aller là. Bourrasques de neiges et chaussée glissante due froid extrême qu'ils ont dit aux nouvelles. Tant qu'il y a pas de morts; le reste c'est juste du métal. On avale les kilomètres et passé Trois-Rivières, on voit au loin une longue ceinture de lumière jaune rose annonçant notre destination. Les vitres de la Hyundai sont complètement givrées, un problème de chaufferette (quel mot étrange) et je me demande si un algorithme quelconque définit la création, le déploiement aléatoire du givre sur la vitre. Un jardin, a dit le poète. On dirait en fait l'hiver et le froid en train de dessiner. Les nuages sont revenus sans que je m'en aperçoive, ils voilent les rayons du soleil qui ressemble à une lune de jour, précise, toute blanche. Une heure plus tard, sur le point de se coucher, le soleil, énorme, va enflammer l'horizon; un spectaculaire soleil brutal jaune orange or tirant sur le rose lorsque il touche les nuages bleus.

Je quitte mes origines une autre fois, je retourne chez moi. Le coeur gros de tout ce qu'il a à déposer aux pieds de la douce. (Et cet haïku qui s'obstine dans ma tête : depuis ton départ / la neige tombe et protège / chacun de tes pas). J'ai pas ouvert de livre de la journée mais c'est pas grave, celle-ci me raconte une histoire quand même.


































mercredi 6 décembre 2017





un matin mutilé
nuages déchirés de lumière
où à travers la vitre
le soleil déploie son spectre
des myriades de rayons incomplets
comme des flèches sans arc
les mêmes signes se répètent
de jour en jour
où les sondes
          insuffisantes
peinent à traduire les mystères

(la muse est à bout de
souffle ta magie sur les cendres
et ravive les braises bleues de décembre)

toujours cet entre-deux
toujours pris dans l'étau des contraires
          entre le jour et la nuit
          entre hier et demain
          entre l'idée et l'image
          entre la mémoire et l'oubli
          entre le coeur et la main
à l'intersection des sensations
disséquées à la pointe de la plume
je n'y vois qu'un amas de chemins
                        troubles et brumeux









lundi 4 décembre 2017








Les poètes n'invente pas les poèmes
Le poème est quelque part là-derrière
Depuis très très longtemps il est là
Le poète ne fait que le découvrir.
                                            
                                                        ~ Jan Skacel
 











vendredi 1 décembre 2017

(aphorisme?)





Dans chaque minute se cache une seconde d'éternité.