vendredi 23 novembre 2012

lourdes heures

le terne éclaté pousse l'échaotique cri désarticulé de l'énigme 
les colères, les spasmodiques chocs, la veine vitriole
la crainte irriguée des frustrations amères et basses, 
le pied invisiblement pesant sur ma tempe arrêtée
à l'angle obtus et bornée des frontières

l'oreille sanglante, la vaine cathode, 
le prisme métamorphe des fantasmes fantômes
la constriction du vortex, 
le poids du monde sur les désolations

ne pouvoir supporter ce poids dans le cercle de l'être, 
suis désolé du poids du monde, je suis désolé pour tout,
suis désolé pour la furieur violant le granit des lits,
déchirant les remords des rages assourdies 

on peut prendre et broyer et détruite et créer sa propre fin du monde
ne jamais se soustraire, rester entier - ne pas écouter ce que je dis - 
quoique perdu à portée de l'arc dénué des flèches de l'oeil, 
la continuité du mouvement aux limites de l'idée soumise aux sens, 
l'arc bandé du poids des espoirs des douleurs des désirs des violences
et lancer une flèche sans but en plein ciel, 
l'absence de cible, l'élan lourd de l'ellipse latente, 
la parabolique beauté du temps évanoui, 
mon visage de larmes, le troublant artifice du noyau triste, 
l'épileptique éclair-obscur des souvenirs 
mon visage alourdi
mon visage de pluie dans l'incapacité de me rendre à toi
dans l'heure noire et seule
dans l'hypnose de mon esclave solitude

mardi 20 novembre 2012

Temps des jours

Dehors novembre
un autre ciel troplein,
diffus...

L'étendu létale à proximité
sous mes pas pris en étau
fuit les lieux de mes pensées

Un autre matin froid où le noir boit le soleil.
Et la muse m'est furtive
captive qu'elle est d'une altérité indifférente,
d'une altérité différente.

Mais le silence m'égorge
(blessure superficielle)
alors qu'au lointain
la courbe de l'horizon gazeux pleure fumées et larmes de morts...

mardi 13 novembre 2012

Pärt au parc

cette musique composée
par et pour les voix du vent
cette musique n'a de maître
n'a de maître que le temps

(et encore...)

jeudi 8 novembre 2012

On a trane

Alors que je m'enfonce dans la fourmilière souterraine, dans les artères bouchées du métro, le maître souffleur, the master blower Johnny Johnny Johnny Coltrane!!! s'époumone toute fureur dans son sax dans mes oreilles. C'est un amour suprême qui rythme ce retour à la maison qui semble déjà plus vivant.  L'heure de pointe est passée, tous se sont tirés. La soirée est bien commencée. Dans le wagon en face, le dernier, un rouquin impossible d'environ seize ans, avec des broches, embrasse sa copine comme c'est pas permis, il lui maltraite le goulot à en donner des envies à un alcoolique repenti. Ils sont seuls, ils ont l'air bien. J'ai soudainement la gorge sèche. Le Trane devait avoir la gorge sèche à souffler dans son sax comme ça. Cette musique m'inspire des lampadaires dans une ruelle de soir d'heure reculée, une ruelle silencieuse où des ombres se meuvent sans but. Trois stations plus tard, deux lancinantes lesbiennes se frôlent les mains et se dévorent des yeux. L'électricité est palpable. A love supreme. Elles débarquent du train à la station suivante. Ô lascives lesbiennes! Je ne peux m'empêcher de sourire dans ma tête. Y'a-t-il pleine lune dehors? Hmm, ça doit être Coltrane. Cette parenthèse d'urbanité prend un sens différent, plus intéressant dirais-je, lorsqu'on la considère avec de la musique. Une fois sorti, il fait totalement nuit. La lumière des lampadaires est granuleuse, une lumière à gros grains comme dans Eyes wide shut de Kubrick. J'ai les yeux pourtant bien ouverts. Et tandis que je marche, la lumière ne s'estompe pas sur le trottoir mouillé et son reflet ne diminue pas sur le sax de Trane. 
A love supreme, a love supreme...

dimanche 4 novembre 2012

rare aurore

un régiment d'images passe et marche 
dans ma tête consumée de cette aube lourde
éveillé pendant que même le temps dort
s'éteint le clignotement de l'architecture du rêve 
toujours repousser l'aurore étale à coup d'impossible

samedi 3 novembre 2012

vileville

soir de béton
désarmé
pendant le jour
l'écho des
colères résonne
résonner dans la
fondation
dorsale dans le
prisme animal
la fissure brutale la
fracture les os s'ouvrent
évidés gorgés matures
dans les caniveaux
poisseux de rage
l'esprit fumant des pulsions
inarrêtables
la forme
vaine la
vision
inénarrable

jeudi 1 novembre 2012

Comme une odeur de feuilles mortes

Une file longue de deux autobus m'a fait rebrousser chemin pour me diriger vers le parc. Le soleil se couchait à gauche en avant, je ne voyais que les dernières dorures des rayons frôler la cime des arbres dénudés. Le sol et le sentier étaient complètement recouverts de feuilles mortes, on aurait dit des flocons pastels craquant sous chaque pas, des corps fragiles ramassées en bruissements et frémissements. Il avait plu toute l'après-midi, mais elles étaient déjà sèches et la terre en-dessous avait bu toute l'eau de pluie. N'entendais rien que le bruit de mes pas sur le sol. Parfois, le bruit que l'on fait en marchant semble justifier et décider notre marche, pourtant futile car le plus souvent strictement pratique. Après cinq minutes, se répandit une odeur mate de bois rappelant un fût, le côté légèrement épicé d'une sève pas encore sèche, redoublé de terre humide et de relents d'écorces somnolentes. De mes pas remuant le sol monta une odeur de feuilles mortes qui m'habita complètement pendant dix minutes. Elle disparut lorsque j'entrai dans le métro, mais ne me quitta pas complètement, me laissant reposé, calme et serein. Me laissant ailleurs.