mercredi 18 décembre 2013

Et tout le métal tordu

Les paumes nus apposés sur sa nuque je lui ai dit embrasse-moi jusqu'à ma mort, jusqu'à ce que mon horizon s'enflamme et que ton absence devienne cet enfer où tout le métal se tord. Embrasse-moi, ma beauté, intemporel l'infini de ton corps trace la ligne de mon sort. Que le soleil tombe, que la machine qui nous dévore perde tout son sang, que l'on se tienne par la main dans l'inévitable chute vers les derniers jours et que la réalité devienne ce rêve duquel toi et moi s'éveillons, heureux d'amour et d'un suicide désamorcé. 

Does nobody understand?

Sont les derniers mots de James Joyce avant de mourir. Tout est là. Dans les dix-sept dernières années de sa vie, Joyce a travaillé à écrire le roman total de la globalité totale. Le livre spiral et babylonien de l'incommunicabilité des hommes et des âges. Le livre du passé, du présent et du futur. Abolir les limites de l'espace, chercher de nouveaux univers, s'extirper du temps, du sablier de la mort où s'égrainent les cendres d'encre d'une vie qui glissent entre les doigts, comme le sable de l'instant, s'écorcher la pensée sous le joug du mystère, se nourrir d'énigmes, accepter le langage du rêve comme alternative et abandonner ses sens aux possibilités de l'équation et aux avatars de la compréhension. L'impression que ces dix-sept années passent dans l'instantanéité d'une seconde, dans le clignotement de la vision prophétique, et la constatation que personne ne lit. Dix-sept ans réduits à notre indifférence ne sachant rendre hommage aux proportions de l'éternel.

Je regarde les étoiles dans le ciel et voit les différents spectres des mots, la constellation se construit dans l'architecture du regard, dans l'édifice de la pensée, et dans notre incompréhension, nous mesurons toute l'étendue de cette tragique solitude.

temps de nuit

J'ai vu des atomes d'éternité se disperser au gré des flocons d'un soir d'hiver, la volonté maîtresse promesse des réalités se heurter à l'arrogance de l'autre. 

Je n'ai de suffisant que mon objectif atteint, que ma fierté serve ma cause, je laisse la prétention dans la ruelle désoeuvrée des cyniques, dans l'incomplet portrait de leur froideur. 

L'évolution s'épuise dans la répétition de notes confuses, les êtres désaccordés de la nuit m'ont offert un désarroi profond. Le cycle des désuétudes.

Et toujours plus que jamais l'ambition embrasse la volonté dans l'espoir d'une glorieuse union.

mardi 10 décembre 2013

Dialogues entre Arthur Power et James Joyce

- Peut-être avez-vous raison, répondis-je, car la question est celle-ci : A-t-on jamais crée un art digne de ce nom qui ne fût romantique?
- Tout dépend de ce que vous appelez art, n'est-ce pas? Car, à mon avis, il y a autant de formes d'art que de formes de vie.
- C'est, dis-je, sous une forme ou sous une autre, l'enivrement d'être toujours soûl, comme le dit Rimbaud, soûl de vie... n'est-ce pas ainsi que devrait être un artiste?
- C'est le côté sentimental de la question, dit Joyce, mais il y a aussi la conception intellectuelle qui vise à disséquer la vie, et c'est ce qui m'intéresse le plus maintenant. Chercher ce qui reste de vérité dans la vie, au lieu de la boursouffler de romantisme, ce qui est une attitude fondamentalement fausse. Dans Ulysse, j'ai essayé de forger la littérature à partir d'une expérience personnelle, et non à partir d'une idée préconçue ou d'une émotion fugitive.

jeudi 5 décembre 2013

oh que oui...

(à lire à voix haute) : "... well as well him as another and then I asked him with my eyes to ask again yes and then he asked me would I say yes my mountain flower and first I put my arms around him yes and drew him down to me so he could fell my breast all peruke yes and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes."

Le dernier Yes, le dernier mot, L'eschatologie du livre se donne seulement à lire puisqu'il se distingue des autres par une majuscule inaudible, comme reste inaudible, seulement visible, l'incorporation littérale du oui dans l'oeil de la langue, du yes  dans le eyes. Langue d'oeil. 
- Jacques Derrida à propos de James Joyce