dimanche 2 mai 2021

impression

 






Par un étrange dérèglement dont j'ignore encore la nature exacte, j'ai vu passer cette semaine plus de jours qu'il y en a eu. Je sais que cent nuages ont passé dans le ciel mais je n'en ai vu aucun. Et pourtant un orage n'a cessé de me suivre comme un voyeur feignant sa nonchalance et les vents ont mis trop de temps à le disperser. Dans cette grisaille dormait une colère bousculée, prête à s'éveiller à tout moment pour s'étirer et se délier des contraintes. Un dédain de soi aux multiples voix concertées s'est fait aller le timbre et le cuivre et a pesé lourd en mon être désordonné. Je me suis multiplié en me scindant, j'ai épuisé toutes les parties de l'ensemble et je me suis désassemblé sans pouvoir me ramasser. Ce n'est qu'au sortir de cette dissipation, dans l'exécution d'une tâche unique visant un seul objectif, atteint de surcroît, que j'ai été en mesure de comprendre mes troubles des derniers jours, et maintenant j'essaie d'aiguiser ma lucidité sur la lumière d'un soleil froid. J'ai failli crier, mais savoir que mon cri irait se perdre dans l'indifférence du monde m'a retenu. Albert Camus a dit de l'absurde qu'il naît quand l'appel humain se confronte au silence déraisonnable du monde. Le mot "silence" est mal choisi ici - le silence serait une bénédiction - car c'est à l'indifférence dissonante du monde que se butent nos appels. Nous sommes tous au fond de l'abîme des autres, nous avons tous notre inexistence. Le silence sait autre chose. Il est l'allié, le prochain langage à apprendre, j'en étudie les mystères et lui écris sans cesse, il est peut-être l'ultime destinataire. Je dois seulement ne pas tomber dans le piège où je m'accuse coupable de n'être pas entendu. Le silence est merveilleusement sauvage, à contempler sans chercher à le dompter. Il s'agit d'en construire lentement la mélodie et le sens, d'observer sa danse et d'entendre mieux ce qu'il dit.

































Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire