mercredi 12 août 2015

le 12 août

Aujourd'hui, quelqu'un a décidé l'année passée qu'il fallait acheter un livre québécois. C'est louable d'un côté, mais vraiment hypocrite de l'autre. Je trouve ça hypocrite dans le sens où ça permet de déculpabiliser celui qui n'achète jamais de livre queb : "C'est pas grave si j'en achète jamais, le 12 août, j'en achète un." Et voilà la littérature sauvée. Non, juste non. Mais comme un bon petit mouton barbu noir mais avec un peu de blanc dedans, j'ai donc fait mon glorieux devoir de littéraire et je suis allé moi aussi me procurer un livre québécois, question de me sentir moins coupable moissi. Ben j'ai acheté un livre queb mais d'un auteur haïtien! Kin toé, fuck the world estie. Quand on peut dépasser les contradictions, on prend les petites victoires qui passent. Sinon, je plains les libraires demain, ça va être vide longtemps parce qu'acheter deux livres deux jours de suite, ça se fera jamais, c'est impossible. Luss est venu après. On s'était dit qu'on travaillerait mais on a pas crissé une seule ligne sur papier. Dans nos têtes par exemple, y'en a de graver ben raide dans le finfond du crâne, à même l'os. Comme à chaque fois qu'on se voit d'ailleurs. Je sais pas s'il l'sait, mais il rend la vie vivable en criss. Travailler pour nous, c'est ça : Bach puis Beethov, cordes de piano et quatuor à cordes, du thé qui vient de bien plus loin que bien des gens n'iront jamais - champ de thé brumeux, Darjeeling, parapluie cassé qui existe encore, j'y retournerais live -, fumer la pipe sur le balcon, arôme impossible qui tapisse l'intérieur de la bouche en attendant la première gorgée de Bowmore Black rocks - t'en veux des sensations? -, Jules qui fugue encore et encore, dans son ostie d'indifférence féline, petite panthère royale dans ma ruelle enfin vide d'enfants, pour le moment - tout ça pis la lecture, l'écriture, pis nos projets dans nos têtes qui veulent pas mourir, qui refusent de perdre. Et quelques traits grivois bien lancés dans tout ça. On a pris le temps, on a travaillé finalement. Mais là y'est parti pis j'aurais dû bouger, prendre une marche, faire du vélo, quelque chose... mais non no nada rien niet (zsche). Pendant ce temps, le ciel est incertain, indécis, aléatoire, imprévisible, ben québécois en fait. Enweille! Branche-toi l'ciel! Je vais probablement manquer les perséides cette nuit, je prendrais bien un orage! Pis au plus criss que j'ai soif.

3 commentaires:

  1. De la pure Poésie!
    Cueillie à même un après-midi de partage et de contemplations. La vie pleinement goûtée.

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  2. Un vrai bijou, cette phrase finale! :)

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  3. «Je tremblais d'excitation, ne me lassant pas de la contempler avec son nuage que le vent toujours déchirait sur la cime. Lors de chaque séjour à Darjeeling aussi, quand matin et soir j'attendais que la divinité aux cinq sommets, la Kangchejunga, se dévoile. Telle une barrière, six mille mètres au-dessus de la station environnée de collines où poussait l'arbre à thé, ses apparitions suscitaient un effroi merveilleux.»

    -Marie-José Lamothe, Dans les pas de Milarépa

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