mercredi 21 mai 2014

Extrait

Je m'appelle Grenole Froment. Si je commence cette histoire en vous disant mon nom, qui n'est pas mon vrai nom, c'est parce que je suis tanné de ceux qui disent pas leur nom. J'ai déjà lu des livres dans lesquels les protagonistes disent pas leur nom. J'aime pas les livres dans lesquels les protagonistes disent pas leur nom. Je trouve que ça parait trop que l'écrivain tente d'auréoler de mystère son protagoniste. Personne n'est mystérieux. Du moins, pas en disant pas son nom. Mais si Grenole Froment c'est pas mon nom c'est pas non plus mon surnom, parce que tous ceux que je connais ont un surnom. Grenole Froment c'est le nom que je me serais donné si j'avais été quelqu'un d'autre. Si j'avais été le héros d'un roman d'aventure par exemple. J'aurais été un voleur mince et laid, qui sait être rusé et cruel envers ceux qui le méritent, mais bon aussi. J'aurais été un voleur qui vole pour survivre, pas pour s'enrichir. Parce que j'haïs les riches et même en me mettant en scène je serais pas capable d'aimer les riches. Je volerais les riches parce que c'est à chier et parce que c'est pas original de voler les pauvres, tout le monde fait ça. Ouais, j'aime pas les riches. Au Québec, y'en a beaucoup qui disent que les Québécois ont un problème avec l'argent, qu'on souffre d'un complexe d'infériorité, qu'on n'aime pas ça quand quelqu'un réussit et qu'il est riche. Mais l'affaire c'est que c'est vraiment n'importe quoi puisque tout le monde a un problème avec l'argent, ceux qui n'en ont pas en veulent et ceux qui en ont en veulent toujours plus. Avez-vous déjà entendu quelqu'un dire : "J'ai assez d'argent!"? Non, moi j'aime pas les riches, autant par jalousie que parce que ça m'emmerde de voir des gens plein d'argent. Mais j'aime pas les pauvres non plus. Surtout ceux qui blâment les riches pour leurs problèmes d'argent. Bref, je pense que j'haïs l'argent point. C'est pour ça que j'aimerais être un voleur dans un roman d'aventure. Je ne suis pas sûr si c'est un bon argument par contre, mais je m'en fous, j'ai toujours été pourri quand vient le temps d'argumentir, d'argumenter je veux dire. C'est parce que j'haïs mentir aussi. Tout le monde ment. Le monde ment. Si j'aime pas argumenter c'est pas parce que je suis pas intelligent, mais parce que j'aime pas argumenter avec des morons. Et comme Montréal sinon le monde est composé de morons comme le corps humain est composé d'eau, ça fait que j'aime pas ça argumenter. Je trouve que Grenole Froment c'est pissant comme nom. S'il fallait le décrire, il aurait quelque chose d'une barre tendre dans son apparence. Il serait maigre en tout cas ça c'est sûr. Grenole Froment ça fait nom de maigre. Mais moi je suis pas maigre je suis gros, pas obèse, juste gros. Gros façon années 2000, façon abdomen adipeux bien bièreux, façon les douchebag sont la norme donc je suis gros. Motto du motté : je ne suis pas douche, donc je suis gros. À notre époque, c'est ça être gros. J'haïs les douches encore plus que l'argent mais ça, ça n'a rien à voir avec la jalousie. C'est viscéral, c'est tiré direct de la bile et des entrailles, de ouesse que la haine naît en l'homme sans qu'on comprenne pourquoi. J'haïs tout d'eux, c'est physique et psychologique. J'haïs les athlètes qui n'en sont pas vraiment même s'ils sont convaincus d'en être. Ceux qui vomissent parce qu'ils font des marathons et qu'ils devraient pas en faire et qui sont juste pas capables de parler d'autre chose que leur câlisse de marathon! Tous les crossfiteux, les spartan raceux, ceux qui feront jamais parti d'un fight club parce que la première règle d'un fight club c'est de pas parler du fight club et qu'eux sont pas capables de parler d'autre chose que leur ostie maladie mentale! Grenole Froment lui y'est maigre, comme une barre tendre, comme un clou, comme une lame de couteau, mais vif pis drette! Il plie pas Grenole Froment, il casse pas Grenole Froment! Mais de toute façon, c'est pas mon vrai nom et c'est même pas mon vrai surnom. Mon vrai surnom, c'est Quoi.

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