jeudi 3 octobre 2024

 








Ma pléiade de René Char sur ma table de lecture, un des deux seuls livres - avec le tome I de l’Histoire de la philosophie occidentale de Bertrand Russell - que je n'ai pas replacé dans ma bibliothèque depuis le déménagement. J'y retourne toujours. Mes yeux s'y perdent à loisir et les pages ont cet âge qui désormais les protège. Le lire, c'est un peu comme toucher du feu, inonder le chaos de lumière. Au hasard : 

    Comme les larmes montent aux yeux puis naissent et se pressent, les mots font de même. Nous devons seulement les empêcher de s'écraser comme les larmes, ou de les refouler au plus profond.
    Un lit en premier les accueille : les mots rayonnent. Un poème va bientôt se former, il pourra, par les nuits étoilés, courir le monde, ou consoler les yeux rougis. Mais pas renoncer.
16 août 1982

Il a écrit ce poème à 74 ans. Mais pas renoncer. Est-ce que le géant du Vaucluse a failli renoncer? Ça fait des mois et des mois que je doute, que j'hésite, et que je pense renoncer. M'entêter dans l'écriture - qui devient de plus en plus tâtons et trébuchements - et dans cette façon que j'ai choisie de l'exposer m'inscrit dans une démarche vaine et absurde, mais qui ne pourrait se faire autrement. (À chaque rentrée littéraire, je n'entends rien de ce spectacle sinon qu'une complaisante cacophonie.)

Je reste terré dans les failles et les névroses d'une liberté implacable, parfois terrifiante. Il est vrai que je m'enlise parfois dans les gangues d'un certain confort, que je pense ne rien devoir à personne. Mais je ne mens pas, mon esprit ne connait pas le repos. Pour moi, ne rien faire c’est encore réfléchir, construire ou imaginer quelque chose. Une idée, une sensation, une pulsion. Au contrepoint de mes luttes, j'avance et trace un chemin dans les amas du bruit. Je continue d'écrire par humilité et respect pour le silence. Parce que ma soif n'a pas de limite, parce que l'horizon est toujours fertile d'inconnu à défricher. Malgré les ciels de sang au-delà du lointain, et tout le métal tordu, les vapeurs arides de déserts de goudron et de montagnes de bitume, et malgré toutes ces morts fossiles de demain. Un peu de poésie me rattache à ce qui est humain. Encore Char au hasard : 

"L'instant est une particule concédée par le temps et enflammée par nous."  




















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