mardi 31 janvier 2017

fission de la pensée

Une nuit passée à plonger et replonger, par brèves bribes, dans un sommeil démuni de rêves - impossibilité d'atteindre le sommeil paradoxal : je ne me souviens de rien à mon réveil, j'encre des souvenirs sans ancre, volatiles images qui s'incarnent et se réincarnent à répétitions sous différentes formes, sous différentes images, mais sans cesse fuyantes, insaisissables (parce que trop dangereuses?) Sans rêves, mon sommeil est-il une terre stérile sans roi, sans reine, sans prince (et sans toi)? Au diable, je préfère rêver éveillé de toute façon.

(Mon appartement est vide et plongé dans le silence. Lapsang souchong le plus brûlant possible, superbe odeur du feu et de la fumée s'épousant à mon brasier. Je n'entends plus le bruit sourd de tes pas délicats, toi marchant pieds nus - toute nue en fait - sur le bois franc qui pâlit davantage sous l'ambre de ton corps. Your silhouette is nothing but a shadow that came back to disappear again, stealing old memories and creating new ones more beautiful but more painful than ever.)

Dans l'aube nimbée de lumière bleue et d'or naît un soleil de glace. Les rai et rayons découpent les ramures des arbres du Parc La Fontaine. Lignes d'horizon rompues ou superposition des champs de profondeur? On peut presque sentir la ville paralysée par le froid. The Whaler de Thrice ("This song is about being far away from the people that you love") joue en boucle depuis mon pas-de-sommeil, tout est hypnotique dans cette chanson, autant les textures des claviers que les drones tremblant dans la mélancolique mélodie, autant la track de beat toute en contretemps spasmodiques que la voix étonnamment douce d'un chanteur connu pour son scream vocal cathartique. Sublimer une hypnose qui doit se rompre par une autre qui, elle, se doit d'exister.

Un titre d'éventuel essai : De la pertinence de combler toutes les absences dans l'Art que je consomme à profusion et sans crainte parce que l'overdose est impossible en ce qui me concerne c'est fou ce qui me rentre dans le corps dans la tête et dans le coeur en une journée et aujourd'hui n'est pas en reste non seulement ça rentre je suis une éponge à la puissance mille mais ça ressort en l'étrange distillat qui s'écoule de mon crayon ça n'enivre pas mais ça soulage.

Et comment vas-tu cher ami? C'est bien la Thaïlande? Je suis en notre lieu présentement, seul mais L'Escalier est bondé, ça grouille de partout et le même trio de jazz que l'autre fois vient de finir son set. Les discussions refont surface et parviennent à mes oreilles dans un fatras plein de vie. Je me sens bien ici, je projette mon chaos intérieur aux alentours et ça me calme. Une impression étrange mais très agréable m'envahit, celle d'avoir réussi brillamment à dompter le jour. Même si c'est à recommencer demain. Dans un récent poème, je disais serrer mes bras et ne tenir que du vide, c'est bien vrai ; mais j'ai ouvert les bras aujourd'hui, comme ça, sans raison, et je serrais le monde, tout mon corps transmuté par une force tranquille. Je tiens la poésie pour responsable de cette métamorphose. Je jette des regards autour de moi et l'espace prend la forme des images que j'y accole. Je me considère chanceux d'être capable de voir de la beauté où il n'y en a pas, j'y suis sensible et ça ne m'échappe pas. Toutefois, j'ai l'impression d'être invisible, the image of the invisible. Seul dans la place bondée, penché sur mon carnet, n'attirant aucun regard, je suis un fantôme. A ghost is all that's left. Je suis dans une passe de Thrice solide - l'artiste dans l'ambulance - ; ça suffit les ptites tounes tranquilles, il me faut quelque chose de puissant, I need more intensity (comme si je n'en avais pas assez!), je veux sentir la vie me passer à travers le corps et s'iriser d'ombre et de lumière et de tous les contraires! Ça prend du grandiose! Merde, huit semaines... tu me manques déjà mon frère, écris-moi quand tu peux.


2 commentaires:

  1. Chaud, pesant et pollué l'air de Bangkok. Des moines, des hippies, des marchands, douchebags et poètes se côtoyant. Pas très accueillants, les Thaïlandais, - sourire difficile - sauf lorsqu'ils sentent qu'ils peuvent faire du cash avec toi. Images du roi qui ne souriait jamais dans chaque commerce, à tous les coins de rue. Il est presque dix-huit heures, le ciel tourne tranquillement à l'orange. Le marchands d'ananas, de goyave et de melons vient de passer. Blaise est allé chercher des bières au dépanneur. Qu'on va boire à ta santé. Tu me manques aussi, mon frère.

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