vendredi 23 mai 2014

Un certain abandon

Don't touch this fucking zit at the corner of your lips! Ne dégale pas cette ostie de gale à la commissure de tes lèvres! Mais tu sais que tu ne peux pas t'en empêcher, la petite douleur fine et stridente lorsque que tu enlèves cette croûte pas encore assez morte, cette croûte en-dessous de laquelle renaît la petite blessure, la peau fait peau neuve sous le petit amas de croûtes mortes, ça travaille, il ne faut rien enlever, il ne faut pas défaire la régénération des chairs, ne rien déchirer croûte que croûte sinon le sang coulera gluant faute de coagulant, un sang décoagulé. Attendre. La blessure est superficielle, en surface, elle va disparaître. Pas comme les autres en profondeur dans les stries profondes du corps, pognées directes dans ce que le corps a de cérébral, d'émotif, d'irréparable. J'ai peur de dévoiler la chair vive et vulnérable de mes blessures.
La bière bue coule fade, une grosse laurentide vieille, fossile de mes années universitaires, alcool dans lequel se distilla mon rut de jeune vingtenaire, les maux de tête, les trous de mémoire, les mémoires perdus, la quête de cuisses hospitalières, le stupre, les hanches de femmes aimées puis oubliées, mes abandons. Souvenirs déficients, altérés. Altérité altérée, altérité désaltérée, comme j'ai désaltéré mes altérités! Vide rempli par la honte d'abord puis l'indifférence ensuite, la résignation. Je bois et je cherche. Sensation proustienne avortée, comme les deux enfants que j'ai failli avoir.
Mon exil est local. J'aime cette sensation d'exil qui n'en est pas vraiment un. Je suis toujours sur la même terre, dans le même pays que je ne reconnais pas parce que je ne l'ai jamais connu. J'ignore où je suis, je suis un insulaire continental, un marin à pied. Je cherche une île déserte. Mais je suis sur une île prise, une île prisonnière - elle m'emprisonne hier -, prise dans des ornières, entourée de terre. Il n'y a rien de plus triste qu'une île au milieu d'un continent, centre débalancé du monde que je ne vois pas ailleurs que sur de grandes cartes sans centre. La terre est plate mais elle trouve ses courbes dans le grand angle du monde.

2 commentaires:

  1. BAAAAAAAAAMN!!!!! (Qui rime avec DAAAAAAAAAMN!!!!)

    Comme dirait Marie Uguay, la poésie est arrivée!

    'Holy shit, I'm a muthafuckin' king, nigguh
    Black skin, gold soul, borna win nigguh!'

    RépondreSupprimer